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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/700

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provisions d’alcool. Dans un coin de la forêt qui reste à jamais interdit aux vivans, le Tanala édifie une hutte, y prépare un foyer au milieu duquel il dépose du riz, du bois, un briquet, une pipe, et il y place le défunt dans une attitude de vie. Le Merina qui, de tous les insulaires, abrite son existence dans les logis les plus soigneusement aménagés, couche ses morts dans de belles constructions. Plus grandioses que la maison, elles sont conçues sur son modèle. Comme la maison, le tombeau est orienté du Nord au Sud ; comme la maison, il a ses places d’honneur à l’Est et une poutre portant deux sculptures de seins y signifie la force de la fécondité ; comme dans la maison, il y règne un ordre hiérarchique immuable. « On peut dire, a formulé le Père La Vaissière, que chaque membre de la famille estime sa place au tombeau à l’égal de sa vie, et, pour ne point la perdre, il reste uni de son vivant avec ceux dont il ne veut point se séparer après la mort. » Ce n’est pas pour l’établissement de la chaumière, résidence passagère des générations, qu’il dépensera sans compter, mais pour l’édification du tombeau où tous seront réunis et classés dans l’ordre vénérable de succession chronologique : là les plus lointains petits-fils, après avoir, durant leur vie, rendu les honneurs aux plus lointains ancêtres, viendront se ranger près d’eux. « Un des premiers soins d’un Malgache qui se mariait était autrefois de construire le caveau de famille : il passait avant la maison, avant le nid conjugal. » C’est le musée de la famille rangée pour l’éternité.

Destiné dans l’esprit des Merinas à abriter les couches de générations qui s’élèvent dans le temps, il est beau de voir le tombeau s’élever en gradins dans l’espace ! Trois terrasses de quartiers de pierres que retiennent à larges intervalles de hautes dalles plates, en sorte que ces murs donnent la plus patiente et la plus grandiose impression de mosaïque de pierres, se superposent avec majesté. Sur la dernière terrasse siège, sous un toit de chaume, une maison toute en planches. Mais seul, l’Andriana qui, durant sa vie, se distinguait par la propriété de palais de bois qui dominaient les collines, y a droit après sa mort. Le simple Hova se contente des trois étages de terrasses chers à son goût de l’amphithéâtre : plus rien ne se dresse sur la dernière où l’œil vainement cherche la maison et où l’esprit trouve, seule, l’image de la mort. Ces tombeaux, laissant voir le dessin de leurs stratifications par feuilles de pierre, de leurs soutènemens de dalles