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Saint-Simon, et dont le rétablissement était son constant souci. Dès le premier jour, il en entretint le Dauphin, et sa joie fut grande de le trouver « activement attentif, » goûtant toutes les raisons qu’il lui donnait et les achevant souvent en sa place ; plus grande encore lorsque le Dauphin le pria de rédiger un mémoire où les pertes que la dignité de duc et pair avait subies, et les usurpations dont elle avait été victime seraient énumérées et rapportées chacune à leur date, avec l’indication des moyens les plus propres pour porter remède à ces pertes et à mettre un terme à ces usurpations. « Il n’est pas difficile, s’écrie Saint-Simon, d’imaginer dans quel ravissement je sortis d’un entretien aussi intéressant... Je me voyois en situation de contribuer à tous ces grands ouvrages, de m’élever en même temps, et avec un peu de conduite, en possession tranquille de tant et de si précieux avantages. Je ne pensai donc plus qu’à me rendre digne de l’une et coopérateur fidèle des autres[1]. »

Saint-Simon était en proie à ce ravissement lorsqu’il rédigea le long mémoire qui a pour titre : Estat des changemens arrivés à la dignité de duc et pair de France dont le texte autographe se trouve au dépôt des Affaires étrangères, et qui a été publié par M. Faugère, mémoire où les questions de préséance, de tabourets, de carreaux, de bonnets, de housse, de manteaux, semblent seules l’avoir préoccupé. Il ne nous dit point quelle impression reçut de ce mémoire le Duc de Bourgogne qui se serait borné à en remercier l’auteur en lui disant qu’il le lirait à Fontainebleau. On aimerait à penser qu’il en apprécia la futilité, et qu’il attachait au l’établissement des ducs et pairs dans leurs dignités anciennes d’autres conséquences que de misérables satisfactions d’étiquette.

Un autre point fut encore traité dans ces entretiens mystérieux entre le Duc de Bourgogne et Saint-Simon. Ce fut le rang des bâtards. On sait avec quelle virulence, — et assurément elle était justifiée, — Saint-Simon s’élève contre la situation que Louis XIV avait faite « aux enfans du double adultère ; » situation qui, chaque année, allait croissant et les mettait peu à peu sur le même pied que les enfans de France et au-dessus des princes du sang. Sur ce point encore, il devait, sans difficulté, se trouver en plein accord de sentiment avec le Dauphin. Il avait fallu en effet tout

  1. Saint-Simon. Édition Chéruel, t. IX, p. 376.