Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/834

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

montre que, s’il ne donna jamais dans les erreurs de la doctrine janséniste, il témoigna au moins vis-à-vis des personnes, qu’il ne pouvait se défendre d’estimer, une modération et une mesure qui lui font honneur.

La piété sincère du Duc de Bourgogne ne lui enlevait cependant point le sentiment très ferme de l’indépendance réciproque de ce qu’il appelait le Sacerdoce et l’Empire, nous dirions aujourd’hui : le pouvoir civil et l’Église. Le langage très net qu’il tenait à ce sujet montre qu’il ne se serait point laissé asservir, et qu’il aurait maintenu les traditions de la monarchie française. « On a, disait-il, flatté quelques papes d’une autorité imaginaire sur le temporel des souverains, mais le sauveur du monde a parlé assez clairement sur ce point quand il a dit : « Mon royaume n’est pas de ce monde, » et : « Rendez à César ce qui est à César. » Toutes les Écritures viennent à l’appui de ces maximes. Le Sacerdoce ne peut donc pas s’approprier un droit que son instituteur ne lui a pas donné et que nul autre n’a pu lui donner, » et il ajoutait : « Les ministres du Sacerdoce, pour ne pas déroger à la prééminence de leur rang, doivent se contenir dans les bornes de leur ministère, qui est tout spirituel. Lors donc qu’un ecclésiastique, oubliant ce principe, s’ingère dans le maniement des affaires civiles, on peut dire qu’il n’est plus du premier ordre de l’État. Il n’appartient pas non plus aux deux autres : c’est une espèce d’être monstrueux dans la société[1]. »

On voit par ce langage que le Duc de Bourgogne, arrivé au trône, ne se serait point laissé dominer, comme nous dirions aujourd’hui, par des influences cléricales. Il n’était point aveugle aux maux qui travaillaient l’Église de France, ni aux abus qui s’y étaient introduits. Bien qu’il fût préoccupé, suivant une expression dont il se sert souvent, de ne point « porter la main à l’encensoir, » il nourrissait des projets de réforme. Il s’élevait avec vivacité contre les évêques qui habitaient toujours Paris ou Versailles, jamais leurs diocèses, et il se proposait de remettre en vigueur les anciens règlemens qui attribuaient aux pauvres tout le revenu des ecclésiastiques non résidens. Il s’élevait également contre l’inégale répartition des bénéfices qui introduisait « la cupidité jusque dans le sanctuaire, » et laissait certains membres du clergé dans un état de misère indécent, tandis que

  1. Proyart, t. I, p. 364.