Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/835

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les autres étaient dans l’opulence. Il rêvait de partager ceux de ces bénéfices dont le revenu excéderait un certain chiffre en plusieurs classes, en assignant à chacune un chiffre de revenu qui ne pourrait pas être dépassé, de façon à augmenter le chiffre des bénéfices en diminuant leur revenu, et à faire profiter de cette répartition un plus grand nombre d’ecclésiastiques, en veillant à ce qu’aucun ne pût posséder plus d’un bénéfice, « si ce bénéfice pouvait le faire vivre ecclésiastiquement, c’est-à-dire dans la simplicité, sans luxe et sans faste. » C’eût été là, dans les mœurs du clergé de France, une réforme profonde qui lui aurait permis peut-être d’échapper un jour à la spoliation.

Si le Duc de Bourgogne n’était pas tendre aux évêques, aux résidens, et aux bénéficiaires cupides, il faut dire que, préoccupé de contenir la licence des esprits, il l’était encore moins à ceux qu’il appelait : les savans. Proyart le loue d’avoir sur ce point « des idées fort opposées à l’esprit du siècle, mais qui n’en paraîtroient pas moins judicieuses aux hommes sensés. » Ces idées, cette idée plutôt, c’est que « ce seroit une très mauvaise politique d’augmenter sans discrétion la classe des gens de lettres. » Sans doute, il faut des savans pour remplir les principaux emplois, mais le Duc de Bourgogne craint « que des savans désœuvrés ne traitent des questions frivoles ou dangereuses et ne corrompent les hommes par leurs préjugés,... et que dire de ceux qui n’ont pour but que d’anéantir la foi et d’autoriser la licence des mœurs[1] ? » La maxime : non plus sapere quam oportet, lui paraît aussi applicable à tout le corps de l’Etat qu’à chaque particulier, et il s’élève avec vivacité contre l’idée d’apprendre à un artisan, à un ouvrier, à un laboureur, autre chose que ce qui lui est nécessaire pour exceller dans son métier. Les leçons de Fénelon n’avaient pas réussi à faire du Duc de Bourgogne un humaniste, et il n’étendait pas jusqu’à l’instruction sa sollicitude pour la condition populaire.

Cependant, il avait emprunté à son ancien précepteur ses préventions contre le luxe, dont le trop grand étalage, à la Cour de Louis XIV, l’avait évidemment choqué. Il n’est pas question, dans ses projets, de ces « lois somptuaires, comme chez les Romains, » qui sont un des articles des Tables de Chaulnes, car

  1. Proyart, t. II, p. 77.