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UNE NIÈCE DE WILLIAM PITT
LADY HESTER STANHOPE

Comme l’humour, comme le régime représentatif, comme la passion du sport et des voyages, l’excentricité paraît un attribut ou un produit de la race anglo-saxonne, une manifestation spéciale de son activité. Ne témoigne-t-elle pas en faveur de sa vigueur et de son énergie morale, en faveur de la liberté sociale dont jouissent ses membres, de cette liberté séculaire qui protège l’éclosion, l’épanouissement de toutes les initiatives hardies ? Ce sont là de beaux titres de noblesse, et les êtres qui ont reçu en partage ce don singulier, ont souvent accompli des actions éclatantes, laissé des œuvres qui les ont portés à la postérité. Mais, de même qu’elle côtoie le talent et le génie, l’excentricité verse parfois dans le chaos, engendre idées et projets datés de l’île d’Utopie, sombre dans les abîmes de la folie : et cela advient même en Angleterre, le pays où elle étonne le moins, où elle a conquis droit de bourgeoisie, au point de se mêler aux habitudes des personnes réputées le plus raisonnables. Il y a, peut-on avancer, dans chaque Anglais un excentrique qui sommeille et n’a pas besoin d’une femme pour s’éveiller. Aussi bien, les femmes elles-mêmes participent de cet état d’âme, et la liste de celles qui ont fait figure d’humoristes s’allonge sans cesse. Il y entre d’ailleurs des ingrédiens fort variés : de l’audace, de la vanité et même de l’orgueil, le besoin de se colleter avec le destin, certain désir d’étonner et de dominer ses contemporains en tirant des coups de pistolet au nez de l’opinion, cette horreur