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du Sinaï, de Nakel, de l’ouady Djerafeh et de l’Arabah, c’est par l’Ouest que nous attaquons, la montée, montée très dure avec l’excessive chaleur, dans ces gorges où l’air ne circule pas.

Depuis deux ou trois jours, le siroco s’est fait sentir, nous devons cependant approcher de la fin de la crise, car la tension électrique est plus forte qu’elle ne l’a encore été. Il fait étouffant. Une sorte de torpeur générale engourdit jusqu’aux horizons si vibrans de beauté, aux jours où le soleil donne, la brume cuivrée enveloppe le pays comme d’un linceul. Mais le printemps a fait épanouir les fleurs ; la lourdeur de l’atmosphère exaspère les senteurs, la nature est embaumée. C’est le retem, ce genêt du désert aux fleurs blanches dont les cœurs sont mauves et qui dégagent l’odeur de l’acacia. Il y en a tout le long du sentier, de ces longs plumets neigeux, floconneux. Ce sont ces buissons d’absinthe, de baatharam, dont les fleurs bouton d’or sentent la vanille, de moutenan qui sentent la pomme de rainette, légèrement acidulée, de thym et de cent autres espèces. Un peu d’herbe, qui perce çà et là, vient ajouter son parfum de verdure, inconnu au désert, dans ce mélange déjà si intense.

De temps en temps, un couple de bartavelles s’enlève, effrayées par le passage de la caravane. Ils ne sont pas nombreux les humains qui voyagent dans ce pays, et sur les pierres qui roulent, les chameaux peinent de plus en plus. Ils s’arrêtent, considèrent avec mélancolie le chemin qu’ils auront à parcourir, se retournent et lancent un dernier regard vers le désert monotone qu’ils viennent de quitter.

Au fur et à mesure de la montée, le spectacle déjà beau devient grandiose malgré la tristesse du ciel plombé. Les grès rouges commencent à paraître, puis, plus haut, les crêtes dentelées des grès jaunes se silhouettent, estompées par la brume.

Mais il est trop tard pour arriver à Pétra, ce jour-là, et nous campons dans un élargissement de la gorge. Vers le soir, un peu de pluie s’est mise à tomber. C’est la fin du siroco, la détente. C’est un peu de fraîcheur.

Le lendemain, de bonne heure, la marche est reprise, le ciel s’est dégagé. Il n’a peut-être pas sa merveilleuse pureté ordinaire ; un reste de tristesse plane encore dans l’atmosphère. A l’un des détours du sentier, montant en lacets sur les bords des précipices, près d’une vieille tour de guet en ruines, datant peut-être du temps de la Pétra Nabatéenne ou de l’époque des Croisés,