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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/903

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les Juifs. Une grande voie allant de Bosserah à la Mer-Rouge est construite. Les Romains s’installent définitivement dans le pays, sous Trajan qui fonde la province d’Arabie. Les procédés pour conquérir une contrée ont toujours été les mêmes à toutes les époques, en tenant compte des ressources dont disposaient les ingénieurs. Dans l’antiquité, les Romains établissaient des voies pavées ; nous, nous construisons des voies ferrées. Dans cette même partie du monde, ne voyons-nous pas, à l’heure actuelle, le Sultan de Constantinople poussant avec activité le chemin de fer de Damas à la Mecque[1] ?

Cependant, déjà sous Trajan, Pétra décline. La décadence ne fait que s’accentuer pendant les années qui suivent. Le génie économique de Rome est incapable de lutter contre les circonstances. Les routes des caravanes ne sont plus les mêmes, le commerce s’est détourné vers Palmyre qui enlève enfin le monopole des transports aux Nabatéens. A partir de ce moment, les données sur Pétra deviennent très vagues. Il est probable que, réduite à son rôle de centre administratif, elle doit être tombée sous les Byzantins à l’état de bourgade, puis à peu près complètement abandonnée à l’époque de l’invasion arabe comme tant d’autres cités antiques du monde musulman.

C’est un voyageur moderne qui en retrouve l’emplacement après des siècles d’une éclipse totale. A l’heure actuelle, sauf quelques familles de bédouins, pauvres, misérables, et qui logent dans des tombes, tout n’y est que silence. La prophétie de Jérémie s’est réalisée : « Personne n’y habitera, aucun fils de l’homme n’y séjournera. »


II

Au mois de mars 1906, par une matinée de siroco, nous abordions, avec la caravane des études bibliques des Pères dominicains de Saint-Étienne de Jérusalem, les pentes du Djebel Taybeh, pour gagner la ville mystérieuse. D’ordinaire, quand on va à Pétra, on y arrive par l’Est, mais, comme nous venions

  1. Le chemin de fer du Hedjaz, réseau long de 1 800 kilomètres, a été ordonné par un iradié du Sultan, datant de 1901. A l’heure présente, plus de 900 kilomètres sont livrés à l’exploitation. Un espère qu’en 1910, la locomotive arrivera sous les murs de la Mecque. Ce jour-là, l’autorité turque y sera établie d’une façon définitive et sans conteste.