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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/914

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sont soutenues par des colonnes délicates, sveltes, modèles de proportions gracieuses.

Une divinité à laquelle le temple était dédié, sans doute Isis, avec la corne d’abondance et la coiffure en forme de dé, des guerriers aux vêtemens flottans, à la hache levée, et qui paraissent danser une danse guerrière, des femmes ailées vêtues de robes de gaze, des cavaliers tenant des chevaux en main, sont sculptés en ronde-bosse sur le monument, dans les sortes de niches que forment les colonnes. Rien ne peut rendre la beauté du site, rude, sauvage, de ce puits profondément encaissé formé par la nature, et la magie de ce temple aux lignes, aux proportions infiniment harmonieuses, sans faiblesses comme sans mièvreries. Les colorations des grès en sont peut-être plus délicates que partout ailleurs. Les rouges, les roses, les jaunes s’unissent avec une plus infinie tendresse et se détachent mieux aussi, car l’humidité a assombri la roche environnante toute couverte de lichens et de salpêtre. Sans doute, un monument entaillé dans le marbre aurait plus de lustre, mais jamais les passages de ton à ton n’ont été plus délicieusement ménagés que sur ce pan de montagne parfait par la main des hommes. Le soleil frappant l’édifice de larges touches, mais avec discrétion, car le ravin, très étroit, ne lui permet guère d’arriver à ces profondeurs, donne des oppositions d’ombres transparentes, mauves bleutées, avec les lumineuses, et chaudes clartés des aspérités et des arêtes. Trois portes : une de face et deux latérales, permettent l’accès de l’intérieur où quatre chambres sombres, nues, sans un seul ornement, devaient servir autrefois à la célébration du culte.

Celui qui a décidé l’édification de ce temple monolithe était un grand artiste, un merveilleux metteur en scène, un décorateur incomparable, et l’architecte qui en a arrêté les lignes n’était pas moins grand que lui. L’effet que produit ce monument est saisissant. Partout ailleurs, il serait une splendeur, mais placé dans ce cadre unique, il est une merveille.

Quand, après avoir parcouru les espaces infinis du désert, aux grandioses monotonies, après avoir été enserré, écrasé par les murailles rocheuses de la sombre et mystérieuse gorge du Sik, on se trouve brusquement arrêté devant ce temple rose, inondé de lumière, on ne peut s’empêcher d’être émerveillé par cette divine création, une des plus belles conceptions du génie humain. Aucune inscription ne permet de le dater avec