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REVUE LITTÉRAIRE

PATHOLOGIE DU ROMANTISME

Il y a un peu plus d’un siècle qu’on parle du romantisme, et un peu plus de cent ans qu’on se demande ce que ce peut bien être. On en a donné toute sorte de définitions, après quoi le point d’interrogation n’en a pas moins continué de se poser. Celles qu’on a empruntées aux romantiques eux-mêmes sont vagues, incertaines, confuses et contradictoires, attendu qu’ils ne surent jamais clairement ce qu’ils voulaient faire et que jamais écrivains ne furent plus complètement dépourvus de sens critique. Les historiens des lettres ont proposé diverses formules, souvent heureuses, mais dont chacune avait le tort d’exclure les autres et de vouloir expliquer simplement un phénomène complexe. Donc on y a vu une réaction contre le classicisme, une explosion de jeunesse, une invasion étrangère, une poussée d’individualisme ; Musset le faisait consister tantôt à ne pas se raser, et tantôt à employer beaucoup d’adjectifs. Mais qui donc prétendait que ce romantisme est une maladie ? » Il se trouve que ce mot, lancé d’abord comme une boutade, pourrait bien être le plus juste et le plus profond qui ait été dit sur la question. C’est la thèse que soutient l’auteur d’un livre récent sur le Romantisme français[1], M. Pierre Lasserre, avec une richesse d’argumens, une abondance de vues, une verve et un éclat de style infiniment remarquables. Ce qu’il faut louer surtout, chez le jeune et très savant professeur, c’est l’indépendance de son jugement, c’en est la fermeté et la franchise. Il ne se croit pas

  1. Le romantisme français, essai sur la révolution dans les sentimens et dans les idées au XIXe siècle, par M. Pierre Lasserre, 1 vol. in-8o (Mercure de France).