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l’a dénié au second. C’est donner beaucoup trop d’importance à une date ! Le caractère diplomatique d’un document ne résulte pas seulement du moment où il a été écrit, mais encore de ce qu’il contient. Nous avons rompu avec le Saint-Siège, mais d’autres gouvernemens ont conservé des rapports avec lui. Nous ne le regardons peut-être plus comme un gouvernement, mais d’autres continuent de le considérer comme tel. Il ne nous appartient pas de changer à nous tout seuls son caractère international. Les diplomates étrangers accrédités auprès de nous croyaient, lorsqu’ils causaient avec Mgr Montagnini, parler à un représentant du Saint-Siège : dès lors, leurs conversations ne nous appartenaient pas. Qu’on ait publié celles de Mgr Montagnini avec nos hommes politiques à nous, l’abus est déjà criant : il l’est devenu bien davantage lorsqu’il s’est agi de celles qu’il a eues avec les ambassadeurs ou les ministres étrangers. Les indiscrétions qui ont été commises de ce chef sont inexcusables : elles font peu d’honneur, non seulement à notre gouvernement, mais à notre pays. Dans un pays, en effet, où il y aurait eu des mœurs publiques mieux assises, la presse se serait arrêtée spontanément devant certains secrets. On ne s’arrête devant rien aujourd’hui ; l’opinion ne s’émeut plus de rien : elle accepte tout, elle laisse tout faire. Les correspondances publiques ou privées appartiennent à celui qui met la main sur elles : personne sans doute n’en est plus convaincu que ce dernier, mais tout le monde paraît en convenir avec lui. Il faudra désormais nous habituer à penser et nous rappeler sans cesse que, suivant l’expression de M. Denys Cochin, nous parlons toujours devant un phonographe qui retiendra et répétera nos paroles. Soit : c’est une habitude à prendre. Mais elle portera une fâcheuse atteinte à la confiance qui faisait le charme de nos mœurs sociales. Nous devrons nous surveiller et parler le moins possible. Nous devrons surtout nous attendre à ce qu’on ne nous dise plus que le minimum strictement indispensable aux relations officielles. Ce sera la conséquence la plus claire du ministère de M. Clemenceau.

Mais du moins ce ministère tirera-t-il quelque profit pour lui-même des nouvelles méthodes de gouvernement qu’il a inaugurées ? Rien n’est plus douteux. Comment la Chambre lui saurait-elle gré de lui avoir refusé des papiers qui devaient, dès le lendemain, être généreusement distribués à tout le monde ? Nous espérons qu’un autre sentiment agira sur la Chambre et sur l’opinion : elles finiront par comprendre à quel point de pareilles pratiques nous déconsidèrent. On dit que la sécurité matérielle est amoindrie dans quelques-unes de nos