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grandes villes, ce qui est grave sans doute ; mais des actes comme la mainmise sur les papiers de Mgr  Montagnini, suivie de leur divulgation brutale, est une diminution de la sécurité morale qui existait autrefois en France et qui subsiste partout ailleurs, et cela est plus grave encore. Les amateurs de petites indiscrétions, d’anecdotes et de scandales peuvent se réjouir et s’amuser : ceux qui ont le souci de la dignité de leur pays éprouvent une impression bien différente. Le gouvernement vient de prendre une altitude énergique devant les syndicats de fonctionnaires : nous disons une attitude, rien de plus, car nous ignorons quels seront ses actes. Il a fini par reconnaître que les syndicats de fonctionnaires étaient un danger qui allait tous les jours en grandissant. On lui en saurait plus de gré si ce n’était pas lui qui, par sa faiblesse, l’avait laissé grandir jusqu’au point où, à moins d’une abdication totale de l’autorité publique, il a fallu agir, il a fallu sévir. Le danger a pris, en effet, des proportions si grandes, qu’en vérité, il crevait les yeux. Comment ne pas le voir ? Les syndicats de fonctionnaires, imprudemment peut-être, ont jeté le défi au gouvernement. On les avait habitués à une longanimité telle qu’ils ont cru pouvoir tout se permettre : se seraient-ils trompés ?

Nous avons eu à parler souvent de ces syndicats. Les fonctionnaires, ou du moins certains d’entre eux, prétendent être des ouvriers comme les autres, et avoir par conséquent la faculté de se syndiquer comme eux en vertu de la loi de 1884, d’où sont sortis les syndicats professionnels. Ce droit, tous les gouvernemens qui se sont succédé le leur ont dénié ; mais ils l’ont fait souvent, sinon toujours, avec une mollesse qui devait encourager les fonctionnaires dans leurs revendications plutôt que les amener à y renoncer. Lorsque le ministère actuel s’est formé, il a protesté à son tour contre les syndicats de fonctionnaires, notamment contre les syndicats d’instituteurs. Mais plusieurs de ces syndicats existaient déjà, et, bien qu’ils eussent été formés en violation de la loi, le ministère a décidé qu’ils seraient tolérés jusqu’à nouvel ordre, — c’est-à-dire jusqu’à ce qu’une loi nouvelle aurait définitivement réglé la question, — à la condition toutefois qu’il ne s’en formerait pas d’autres. Annoncer une loi future était reconnaître implicitement que les lois anciennes étaient insuffisantes, et autoriser le maintien, rnême provisoire, des syndicats existans était aggraver pour plus tard une difficulté qu’on n’osait pas aborder de front immédiatement. Ces atermoiemens ont toujours le même effet, qui est de propager l’esprit de révolte : cela n’empêche pas le gouvernement d’y recourir toujours. C’est devenu chez lui une habi-