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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/101

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l’Italie et aux provinces de l’Orient, retrouver ou refaire une partie de ses richesses dispersées ou détruites dans la terrible crise. On recommençait à creuser partout les mines, surtout les mines d’or ; on cherchait ce métal, alors si rare, même dans les sables des rivières[1] ; on découvrait vers cette époque des mines d’argent[2] ; on défrichait de nouveaux terrains et on commençait à étendre la culture du lin[3] ; les artisans étaient devenus plus nombreux depuis que les petites armées gauloises avaient été dissoutes. Et, à mesure que le pays s’habituait à cette paix et à cette prospérité, la domination romaine se faisait plus stable, en s’appuyant sur une aristocratie de grands propriétaires où les hommes âgés, oubliant le passé, consentaient à la subir, et où les jeunes qui ignoraient le passé, commençaient à l’admirer et à profiter volontiers de certains produits de la civilisation méditerranéenne, tels que l’huile et le vin. Il s’ouvrait sans doute déjà, en divers endroits, des écoles de latin pour les jeunes gens riches[4] ; déjà des bateaux remontaient les rivières, chargés d’huile ou de ces vins italiens et grecs dont les belliqueux Gaulois avaient autrefois tant redouté l’énervante douceur[5] ; déjà dans la Gaule narbonnaise, qui subissait depuis

  1. Près des Volces Tettosages (Strab., 4, 1, 13), près des Tarbelles (Strab., 4, 2, 1), ; dans les Cévennes (Strab., 3, 2, 8) ; dans les rivières (Diod., 5, 27).
  2. Le fait que Diodore dit (5, 27) ϰατά γοῦν τὴν Γαλατίαν ἄργυρος μὲν τὸ σύνολον οὐ δὲ γίγνεται, tandis que Strabon dit au contraire qu’il y en avait près des Ruthènes et des Gabales (4, 2, 2), prouve que les mines d’argent furent découvertes après la conquête. La description de la Gaule que donne Diodore est évidemment tirée de documens plus anciens et qui décrivent la Gaule à l’époque de son indépendance. Dans Desjardins (I, page 423 et suiv.) se trouve la preuve que beaucoup d’autres mines d’argent furent exploitées en Gaule, sous la domination romaine ; mais comme Strabon n’en parle pas, il est difficile d’affirmer qu’on avait déjà commencé les fouilles à ce moment-là.
  3. Plin., N. H., 19, 1, 7-8 : ignoscat tamen aliquis Ægypto serenti (limun) ut Arabiæ lndiæque merces importer, itane et Galliæ censentur hoc reditu ? Cadurci, Caleli, Ruteni, Bituriges ultimique hominum existimali Morini, immo vero Galliæ universæ vela texunt… Si on considère combien furent lents les progrès économiques dans le monde antique, on trouvera qu’il est raisonnable de faire remonter à ces années-là les commencemens de cette culture, qui devait dans la suite prendre une grande extension. Il faut ajouter que Strabon rappelle que le lin était déjà une industrie florissante auprès des Cadurces (4, 2, 2).
  4. Nous verrons qu’un peu plus tard il y avait une école fameuse à Augustodunum, la nouvelle capitale des Éduens.
  5. Nous verrons que probablement ces années-là fut introduite la quadragesima Galliarum, impôt de 2 1/2 pour 100 sur les importations. On n’aurait pas songé à cet impôt, si les importations en Gaule n’avaient déjà été considérables. Parmi les produits importés, ceux qui l’étaient dans les plus grandes proportions devaient être l’huile et le vin.