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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/178

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Décade. Mais ce ne fut pas la seule. Nous savons par lui-même qu’il avait fait de Léonard Arétin et de Pogge une étude diligente. Sans doute d’autres historiens ou chroniqueurs lui servirent-ils encore : l’Histoire de Florence de Ricordano Malaspina ; la Chronique florentine de Dino Compagni ; celles de Giovanni, de Matteo et de Filippo Villani ; les commentaires de Gino Capponi, de Rebus Florentinorum ; une histoire anonyme de Florence, entre les années 1406 et 1438 ; l’histoire aussi de Bartolommeo Scala ; enfin quelques « vies » de Florentins illustres, comme Neri Capponi ou Giannozzo Manetti ; tous ouvrages dont il n’est pas improbable ou du moins impossible que Machiavel ait eu connaissance, imprimés ou manuscrits.

Il n’est pas impossible non plus qu’il ait connu, en dehors de Florence, quelques-unes des nombreuses chroniques, biographies ou oraisons funèbres que la piété des Italiens ne s’est point, depuis lors, lassée de recueillir, en mémoire d’illustres ancêtres, touchant les choses et les hommes de Gênes, de Milan, de Venise, de Ferrare, des Romagnes, de Naples et de la Cour pontificale.

Mais de lui-même encore nous tenons qu’après ou qu’avec « une longue expérience des temps modernes, » ce qui a le plus servi à Machiavel, ce dont il s’est le plus servi, c’est « la lecture continuelle des anciens. » En quoi d’ailleurs il ne se distingue pas des autres écrivains politiques de Florence, qui, de toute manière, sont le plus près de lui : de Guichardin et de Giannotti. Ce dernier, Donato Giannotti, dit lui aussi, expressément,. qu’on ne saurait « raisonner et disputer comment doit être faite une république, » si l’on n’a acquis « l’intelligence des affaires humaines, et que l’on n’en saurait acquérir l’intelligence que par la lecture assidue des choses antiques et pour avoir pratiqué et connu quelque administration civile. » La seule différence est que Giannotti met au premier rang la lecture, au second, l’expérience, tandis que Machiavel met la lecture au second rang et l’expérience au premier : il la croit pourtant nécessaire, cette « lecture des choses anciennes, » et il en use largement, peut-être en abuse-t-il un peu, au gré de certains juges, et peut-être est-ce un peu à lui que s’adresse la boutade de Guichardin : « Combien se trompent ceux qui à tout propos allèguent les Romains ! Il faudrait avoir une cité conditionnée comme était la leur, et puis se gouverner selon cet exemple ;