Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

admet l’hypothèse : « Le gouvernement d’un seul, quand il est bon, est préférable à tous les autres bons gouvernemens, et, s’il était possible, il faudrait l’imposer à tous les peuples, — mais il arrive que ce qui est excellent en soi ne peut convenir en certains lieux à certaines personnes. . » Ainsi le gouvernement monarchique à Florence. Peut-être, dans les Trattati, comme dans le Compendium, le commencement est-il encore du saint Thomas (le prince doit être un, parce que le roi des abeilles est un, la raison est une, le cœur est un : et Dante aussi disait : parce que l’âme est une, parce que le soleil est un) ; mais la fin est déjà du Machiavel, à qui il faudra d’autres raisons. Le commencement est encore de la dissertation, la fin est déjà de l’observation. Le commencement est de la scolastique, la fin est de la politique. Coïncidence intéressante : les traités de Savonarole sur le gouvernement de Florence sont probablement des derniers mois de 1497 ou des premiers mois de 1498, et Guichardin date de 1494 le colloque mémorable qu’il a recueilli sous le même titre. De la confrontation des Traités et du Dialogue ressort donc très clairement l’idée qu’on se faisait de la politique, à Florence, dans les dix dernières années du XVe siècle. Cette idée est commune à tous, à Machiavel, à Guichardin, à Giannotti, à Savonarole, pour ce bon motif que les faits leur ont été communs, que la vie leur a été commune, et commune par conséquent la leçon des choses, l’expérience. Il ne serait sans doute pas impossible de retrouver dans les Trattati de fra Hieronimo l’origine de certaines formules qu’on serait d’abord tenté de croire spécifiquement machiavéliques, et telles que celle-ci : « Comme les méchans sont toujours plus nombreux que les bons et que chacun aime qui lui ressemble… ; » ni, sous le portrait du tyran que Savonarole ébauche en son Trattalo secondo, quelques lignes du Prince. Mais ce n’est pas parce que Machiavel, dans sa jeunesse, aurait été un sectateur de Savonarole, un piagnone ; c’est parce que tous deux étaient de leur temps et de leur pays ; tous deux ont vécu à Florence, tous deux ont fait l’expérience florentine, tous deux sont de l’école florentine, dont le machiavélisme est la première et, du premier coup, la suprême, la souveraine incarnation ; car, au fond, qu’est-ce que le machiavélisme ? Un réalisme florentin.

Premièrement, c’est un réalisme, c’est le réalisme lui-même. Tout ici est positif, pratique, politique. La grande querelle qui