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conscience de ses actes, les stigmates ont été souvent imprimés par le mystique sans qu’il ait eu connaissance de ce qu’il faisait. »

On ne saurait écarter a priori une hypothèse que la psychologie des hystériques justifie dans une assez large mesure, mais encore faudrait-il l’appuyer sur des faits bien constatés de supercherie inconsciente dans le cas particulier de la stigmatisation. Or les faits de ce genre manquent encore dans la littérature médicale, ou du moins ceux que l’on connaît avec précision ne permettent guère que des raisonnemens par analogie. Nous savons par exemple que la jeune Meb[1], qui recevait il y a six ans de menus cadeaux de sainte Philomène, se préparait, à l’état de somnambulisme, tous les envois dont elle s’émerveillait ensuite avec sa famille ; c’est elle-même qui, sous la direction de son médecin, a pu retrouver le souvenir de ces artifices et les lui révéler ; mais quand M. Alfred Maury parle de simulation inconsciente chez les stigmatisés, il ne fait qu’une supposition qui aurait besoin d’être confirmée par des épreuves incontestables et qui, dans les temps où l’on ignorait presque tout des phénomènes hystériques, ne l’a jamais été suffisamment.

Tout ce que l’on peut dire, c’est que, chez certains stigmatisés, les stigmates du Christ ont pu avoir cette origine et qu’il a suffi dans ce cas de blessures inconscientes et pourtant volontaires, avivées par le frottement au cours des grandes crises, pour donner au mystique l’illusion du miracle et de la grâce ; mais, même en faisant la part la plus large aux explications de ce genre, on ne saurait les étendre à la totalité des faits depuis qu’on a pu constater de visu l’apparition spontanée des stigmates chez des mystiques extatiques, Louise Lateau[2]et Madeleine X…[3]. Déjà, dans son enquête sur Véronique Giuliani, l’évêque Eustachi avait fait enfermer les mains de la stigmatisée dans des gants que l’on scellait ensuite, et il avait constaté que les plaies, au lieu de guérir, devenaient plus larges encore ; en 1843, le Père Debreyne tenta sur une autre stigmatisée une épreuve analogue et il put s’assurer que le pied observé saignait

  1. Communication de M. Pierre Janet, à la Société de Psychologie, — séance de décembre 1901.
  2. 1850-1883.
  3. Vivante.