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qu’il était difficile d’écrire, puis, dès le lendemain, il vint à Paris voir Kratz afin d’en obtenir qu’il se présentât comme son envoyé aussi bien que comme celui de Chasseloup. Kratz n’y consentit pas et n’accepta de mandat que celui que l’Empereur devait lui confier par Chasseloup. Il se rendit à Compiègne le même jour, reçut confirmation officielle, et partit le 23 octobre pour arriver chez moi à la Moutte le 25 à deux heures du matin. Ses instances orales n’eurent pas plus de succès que ses instances écrites. Seulement, comme je me trouvais en présence d’une offre faite directement au nom de l’Empereur, c’est à lui que je répondis :

« Sire, je vous remercie de la preuve de confiance que vous voulez bien me donner et précisément parce que j’en suis profondément touché, je vous demande la permission de m’expliquer avec vous en toute franchise. Je sais par expérience que cela ne vous déplaît pas. Si j’étais libre de suivre mes goûts, je prierais Votre Majesté de me laisser dans ma situation indépendante. Mais comme le pouvoir n’est plus qu’un poste de fatigue et de péril, je suis prêt à étouffer mes répugnances, et à faire le sacrifice d’entrer aux affaires. Mais je ne me résignerai à ce sacrifice que s’il doit être profitable à mon pays. Aussi, en indiquant loyalement de quelle manière je puis donner mon concours, je ne pose pas des conditions, j’indique le moyen de tirer de moi le meilleur parti possible. Mon accession pure et simple au Ministère actuel ne produirait aucun bon effet, je ne dis pas à Paris dont il n’y a plus à se préoccuper que pour le contenir, mais dans la province, qui ne veut que la liberté et non la Révolution. Cela tient à l’origine extra-parlementaire de ce cabinet et à la déception éprouvée par l’opinion publique de ce que le soin de constituer une nouvelle administration n’ait pas été confié à l’un des 116. Cependant, il y a des élémens excellens qu’il serait peu sage de ne pas utiliser. Il y aurait donc lieu de constituer un Ministère nouveau, composé en partie des ministres actuels, en partie de députés pris parmi les 116. On conserverait Chasseloup, Magne, les ministres militaires. Les postes vacans seraient occupés par des députés pris parmi les 116. Je n’ai d’engagement avec personne, mais M. Buffet est celui qui me paraît le plus indiqué. Ce point de départ posé, voici comment j’estime qu’il y aurait lieu de procéder : 1° Votre Majesté commencerait par s’entendre avec moi sur un programme formulé par écrit