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manière de notifier à l’Empereur que la majorité vous désire au gouvernement. » Je lui répondis que je ne demandais pas mieux que de contribuer à opérer un rapprochement entre les libéraux et la majorité, mais que je refusais de me laisser porter contre Schneider, qui avait contribué au succès de l’interpellation des 116. « D’ailleurs, ce n’est pas au moment de la lutte qu’il m’est permis de me paralyser au fauteuil de la présidence. »

Chasseloup et Magne allèrent démontrer à l’Empereur qu’il m’avait laissé échapper beaucoup trop aisément, et ils essayèrent de me ressaisir. Dès le lendemain, ils me firent savoir que l’Empereur les priait d’avoir avec moi une nouvelle conférence. Magne m’exposa qu’il jugeait indispensable mon entrée aux affaires avant la session ; non pas tout de suite, ce serait donner aux journaux le temps de nous miner avant que nous eussions agi, mais vers le 25 novembre. Il ajouta : « Nous avons ramené l’Empereur à cette opinion, et il vous demande formellement d’entrer ainsi au ministère avec un de vos amis. L’Empereur a été surpris de votre refus, car Duvernois lui avait écrit de Saint-Tropez que vous étiez décidé à accepter, même avec Forcade à l’Intérieur. » Je répondis que toute insistance était superflue, et que, pour bien marquer ma résolution, j’allais repartir pour Saint-Tropez.

Le 4 novembre au matin, je reçus de Duvernois une lettre datée de Compiègne : « J’ai eu ce soir avec l’Empereur une longue conversation. Il a été très satisfait de son entrevue avec vous, et son amitié pour vous s’est accrue. Mais croyez bien que je ne m’étais point trompé : d’un côté, il se rend compte que le ministère actuel n’est pas assez fort ; de l’autre, il ne veut pas renoncer à M. de Forcade. La raison qu’il en donne est toujours la même : Le renvoi de M. de Forcade ne peut avoir qu’une signification, désaveu des élections, c’est-à-dire de la majorité, conséquemment, dissolution inévitable. J’ai plaidé, j’ai discuté, mais nous en sommes toujours revenus au même point : « Pour plaire aux libéraux, dit-il, j’ai sacrifié MM. Rouher, Baroche, Vuitry qui avaient du talent ; maintenant on me demande de sacrifier M. de Forcade. Pourquoi pas aussi M. Magne ? car enfin M. Magne a adressé à ses agens des circulaires aussi dures que celles de M. de Forcade. » Il constate aussi que, de tous ses ministres, M. de Forcade n’est pas celui qui vous désire le moins et que ce n’est pas non plus celui avec lequel vous seriez le