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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/302

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plus en désaccord. Mon avis est que MM. Magne et Chasseloup échoueront auprès de lui. On en reviendra à la conclusion de notre conversation : votre entrée après la vérification des pouvoirs. Mais le ministère ira-t-il jusque-là ? Voilà qui est douteux. Le retour de l’Impératrice n’exercera-t-il point d’influence ? C’est encore un point d’interrogation. Enfin la majorité qui, aujourd’hui, se porte vers vous ne vous abandonnera-t-elle pas ? Tout cela est bien obscur. Vous, mon cher ami, cela ne vous inquiète pas, car le pouvoir ne vous tente guère ; mais quand je songe au mal que le ministère Rouher a fait au pays, je me demande ce que serait sa restauration. Il serait peut-être impossible de lui succéder (4 novembre). »

Je répondis à Duvernois non moins catégoriquement qu’à MM. Magne et Chasseloup : « Non possumus. Plus je réfléchis, moins j’hésite. Prendre dans un ministère que je formerais d’anciens ministres serait une preuve de conciliation et de largeur d’esprit, m’annexer à eux serait une preuve de faiblesse ou de basse ambition. La majorité ne serait pas plus désavouée par la translation de Forcade au Commerce, que la majorité de 1863 ne l’a été par le renvoi de Persigny, immédiatement après les élections. Retirer Forcade de l’Intérieur est, certes, une concession moins grave que de congédier Rouher : pourquoi, après avoir consenti à l’une, ne pas se résigner à l’autre ? Pourquoi rester toujours entre deux systèmes et ne pas accepter avec résolution les exigences du régime constitutionnel ? Que perdra l’Empereur à se montrer conciliant ? Rien. Je ne saurais sans perdre toute ma force accepter la solidarité d’élections faites selon une méthode que j’ai déconseillée. Que diraient mes amis ? Que diraient Lambrecht, Janzé et tous ceux qui sont restés sur le champ de bataille sous les coups de l’administration Forcade ? Non possumus. Rouher reviendra ? Mais croyez-vous que cela même soit si aisé ? Ne serait-ce pas pour l’Empereur une plus humiliante démarche que d’appeler un homme nouveau et le charger de former un cabinet ? Au point de vue de l’amour-propre, il ne peut y avoir rien de plus dur pour l’Empereur que le rappel de Rouher. Et je doute fort d’ailleurs que Rouher consente à venir autrement que comme ministre constitutionnel, avec un programme déterminé. Donc, non possimus, et je repars dimanche pour Saint-Tropez (2 novembre). »

Toutefois, malgré la netteté de mes refus, afin qu’il n’y eût