Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/303

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aucun malentendu entre l’Empereur et moi, je lui expédiai la lettre retenue par Chasseloup, avec ces mots : « Sire, en réponse à l’ouverture qui m’avait été faite le 25 octobre en votre nom, je vous avais écrit la lettre incluse : j’ai eu tort de ne pas vous l’envoyer. Il n’y a de précis que ce qui est écrit. La bienveillance avec laquelle vous m’avez reçu m’encourage à mettre sous vos yeux cet exposé sincère de ma pensée. Je le fais avec d’autant plus de hardiesse, que Votre Majesté a agréé les raisons qui me décidaient à ne pas entrer actuellement dans le ministère. J’ai vu beaucoup de monde ces jours-ci, et j’ai constaté avec joie que la probabilité d’une émeute s’affaiblit. »

En même temps, je fis connaître à Forcade le langage que j’avais tenu à l’Empereur sur son compte. Forcade me répondit une lettre aimable et vague. Il me proposait une entrevue. Elle eut lieu le 7 novembre et fut très cordiale. Il n’insista pas pour me décider à devenir son collègue : il était sans inquiétude, ne réclamait aucun secours et croyait qu’en défendant des candidatures officielles devant des candidats officiels, il obtiendrait de belles majorités ; il terrasserait l’émeute dont il ne doutait pas, et ajouterait à la victoire parlementaire le prestige de l’énergie matérielle.


VIII

L’Empereur répondit à la communication du programme retenu par Chasseloup : « Mon cher monsieur Emile Ollivier, je vous remercie de votre communication. Lorsqu’on agit loyalement comme nous le faisons tous les deux, il n’y a qu’avantage à se dire tout ce que l’on pense. Je me suis adressé à votre patriotisme parce que je suis persuadé que vous pouvez rendre un grand service au pays en entrant au ministère. Il s’agit de sauver la liberté par l’affermissement de l’autorité et de sauver l’autorité par l’affermissement de la vraie liberté. Convaincu de la grandeur du rôle que vous êtes appelé à jouer, je dois désirer que vous entriez aux affaires dans les meilleures conditions, car si vous étiez amoindri, votre action n’aurait plus la même influence. D’un autre côté, je ne puis admettre des combinaisons qui diminueraient ma force morale en incriminant ma conduite passée. Quelle est la situation ? Dans les dernières élections, tous les