Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poste à donner à M. de Forcade. J’avais pensé à Talhouët pour l’Intérieur, mais je n’ai pu le résoudre à accepter ce fardeau ; il m’a promis de prendre les Travaux publics. L’accession d’un homme aussi considérable sera d’un excellent effet. Napoléon Daru est aussi un choix excellent : je ferai tous mes efforts pour obtenir son assentiment. Il ne serait pas bien de congédier Chasseloup-Laubat après la part qu’il a prise aux dernières mesures. La difficulté est de trouver un ministre de l’Intérieur. Je vais y penser, et je prie Votre Majesté d’y penser de son côté. Le mieux serait un homme nouveau, jeune, ardent, mais où le prendre ? On a si bien fait le désert autour de vous depuis quelques années ! Mon départ de Paris a dépisté tous les soupçons, je reste encore un jour ou deux ici pour ne pas les réveiller par un retour trop brusque. Je serai à Paris mardi prochain. J’aurai assez de temps jusqu’au 25 pour vous proposer des noms. Du reste, si Votre Majesté accepte ceux que je lui indique, le travail est presque fait. Sire, je fais un bien violent effort sur moi-même en acceptant de me jeter dans la mêlée ; je ne m’y décide que parce que j’ai foi en Votre Majesté. Je compte sur son appui contre les intrigues des autres, sur sa bienveillance pour mes propres défaillances. Nous traverserons des heures pénibles, mais avec de l’honneur, de la persévérance, de la bonne conduite, nous triompherons. Quelle gloire sera la vôtre dans l’histoire, Sire, quand vous aurez fondé un gouvernement libre et barré le passage à la Révolution ! Je vous donne, pour vous aider dans celle entreprise digne d’un grand cœur, ce que j’ai de bonne volonté et d’intelligence, et je vous prie de croire que je vous suis bien affectueusement dévoué (11 novembre). »

Je continuai à envoyer mes réflexions à l’Empereur : « Sire, mes journées se passent à réfléchir. Or, voici ce qui m’apparaît de plus en plus clairement. Votre sénatus-consulte a été une transformation dans les choses ; il faut que mon avènement soit une transformation dans les personnes. Tout en respectant les situations acquises, il faut que vous vous efforciez d’attirer à vous le plus grand nombre possible de jeunes hommes et de donner à ceux que vous ne pouvez employer tout de suite l’espérance d’être utilisés plus tard. Aussi, je considère comme d’un intérêt majeur de procurer une élévation éclatante, subite, propre à frapper les imaginations, aux rares hommes de talent de trente à quarante ans que le dégoût n’a pas jetés encore dans