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et la discipline, respecte ce qu’une certaine école a appelé les autorités sociales ; tel autre chérit par-dessus tout légalité, a du goût pour le nivellement des conditions et jalouse les situations acquises. Chez tel peuple, l’organisme politique comporte des freins puissans qui assurent la stabilité et préviennent les entraînemens ; chez tel autre, il ne se trouve dans les pouvoirs publics aucun frein efficace ; la direction est abandonnée, sans contrepoids sérieux ou suffisant, à une assemblée agissant par impulsion plutôt que par réflexion, sujette aux accès de passion, n’acceptant aucun contrôle extérieur et ne sachant guère se contrôler elle-même.

Il est évident que le régime fiscal ne peut être identique chez des peuples aussi dissemblables ; il faut chez les uns des précautions dont les autres peuvent se passer. Si l’on venait proposer aux Français d’établir ou plutôt de rétablir chez eux la monarchie héréditaire, qui est, en définitive, le régime gouvernemental le plus répandu dans l’humanité et que supportent, sans mauvaise humeur, sans aucun signe de détachement, des peuples qui ne le cèdent à aucun autre en développement intellectuel et en progrès matériel, comme les Anglais et les Allemands, la plupart des hommes qui constituent notre personnel politique se récrieraient et protesteraient contre ce qu’ils considéreraient comme une absurdité ; ils diraient que toutes les nations ne peuvent avoir le même régime politique, que ce qui convient à l’une ne sied pas à l’autre, qu’il faut tenir compte des faits historiques, des habitudes prises, des goûts divers, des conceptions différentes de l’idéal. Si, sans vouloir changer la forme même gouvernementale, on proposait de faire élire le chef du gouvernement par le peuple, ce qui, en définitive, a été et est encore le régime le plus général des républiques et de l’ancien temps et des temps nouveaux, d’armer, en outre, ce chef élu par le peuple du droit de veto à l’encontre des décisions prises par les assemblées électives, ce serait la même clameur chez la plupart des hommes qui constituent notre personnel gouvernemental ; ils s’indigneraient contre cette prétention d’assimiler les institutions de toutes les républiques du monde ; ils invoqueraient la différence des tempéramens nationaux. Si, d’autre part, sans rien toucher ni à la forme même du gouvernement, ni aux sommets du pouvoir, on leur proposait d’établir, comme pour la Diète de Prusse (le landtag), une base censitaire à l’élection de