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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/351

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les valeurs mobilières au porteur ; l’Income tax britannique ne comporte ni la déclaration du revenu global, ni la connaissance de celui-ci ; et l’on voit que, sauf quand il est au taux minime de 2 ou 3 pour 100 dans un pays qui ignore et l’impôt foncier pour l’Etat, et l’impôt sur le revenu des valeurs mobilières, il est très impatiemment supporté. Il serait facile de multiplier les citations analogues, tirées de grands journaux politiques comme le Times, ou de journaux spéciaux comme le Financial Times[1]. Si, après soixante-cinq ans d’application, dans un pays socialement bien assis, il soulève ces récriminations, que serait-ce dans notre démocratie instable qui, depuis la suppression de la taille en 1790, n’a jamais connu d’impôt de ce genre ?

Ce n’est pas dans la seule Angleterre, c’est aussi dans des pays du continent que l’impôt sur le revenu suscite les critiques les plus justifiées. Divers cantons suisses en donnent la preuve. On nous permettra de faire sur ce point quelques citations d’un ouvrage spécial écrit par un Suisse très patriote, grand admirateur des institutions de son pays, à savoir : Les impôts en Suisse : assiette, quotité, mesures d’exécution. Etude de droit public et d’économie nationale, par Max de Cérenville[2]. L’auteur constate que, dans un certain nombre de cantons, cet impôt, à un taux modique, n’a pas d’inconvéniens graves, mais qu’il en est tout autrement dans les cantons les plus radicaux. Examinant la thèse que, si modéré qu’il puisse être au début, un impôt progressif ne tarde pas à devenir immodéré, M. de Cérenville écrit : « La vérité de cette allégation est prouvée par l’histoire de la progression dans les cantons suisses. Très modérée, au début, avec deux, au maximum trois catégories, elle s’est petit à petit développée, a élevé ses tarifs pour aboutir à ceux que l’on peut observer aujourd’hui dans certaines villes suisses, qui prennent le 15, le 25 ou même le 28 pour 100 du revenu. Les expériences faites dans les différens cantons ont démontré d’une façon certaine qu’une fois le principe de la progression admis et inscrit dans la loi, à chaque révision de celle-ci, l’échelle est augmentée d’une ou plusieurs catégories et les taux levés d’une ou plusieurs unités. » Et M. de Cérenville cite en ce sens des faits

  1. On peut consulter notamment, au sujet de l’évasion de l’Income tax par les commerçans étrangers établis en Angleterre et du préjudice qu’en éprouvent les commerçans nationaux, le Financial Times du 19 mars 1907.
  2. Un vol, in-8o, Lausanne, Corbaz éditeur, et Paris, librairie Maresq, 1898.