Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le mot latin villicus : le valaque, c’est le vilain. Jusqu’à l’époque de Justinien, toute la Macédoine parlait latin et non pas grec : les barbares désignèrent par le mot villici, valaques, ceux qui appartenaient à la société organisée, les paysans latins. De même, en Moldavie et en Valachie, les Valaques, c’étaient aussi les latinisés ; la Thessalie s’est appelée longtemps Grande Valachie. Tandis qu’à Byzance et sur les côtes l’influence hellénique faisait triompher la langue grecque, le latin se maintenait dans l’intérieur. Les montagnards, bergers, pasteurs, artisans, commerçans ont gardé un idiome dérivé directement du latin, qui, tout naturellement, ressemble de très près au roumain de l’ancienne Dacie. Les Valaques ne sont donc pas un peuple à part, un lambeau du peuple roumain égaré dans le Pinde, ce sont tout simplement des Macédoniens latinisés : il y a les Koutzo-Valaques[1] ou Macédoniens parlant latin comme il y a les Albano-Valaques ou Albanais parlant latin, comme il y a les Roumains qui sont des Daces parlant latin. L’idiome roumain et l’idiome valaque sont très voisins, mais il y a cependant entre eux de notables différences. Le Roumain, qui avait été pénétré par des infiltrations slaves, a été, pour ainsi dire, relatinisé récemment par les écrivains ; l’idiome valaque de Macédoine a, au contraire, subi des influences grecques. Les Valaques de Macédoine, loin d’être venus du Nord, sont au contraire venus du Sud et ils se sont avancés, en suivant la chaîne du Pinde, jusqu’à la hauteur de Monastir ; mais beaucoup sont restés en Grèce même où ils comptent parmi les meilleurs citoyens du royaume hellénique. Viendra-t-on, ceux-là aussi, les revendiquer un jour pour la nationalité roumaine ? Tous les Valaques, sans exception, outre leur langue, en parlent une autre, généralement le grec, ou, en Epire, l’albanais ; tous avaient été, jusqu’à ces dernières années, les plus dévoués propagateurs de « l’idée » hellénique ; aucun ne songeait à se réclamer, sous prétexte d’affinité de langue, de la lointaine Roumanie ; c’est seulement quand Apostol Margarit eut organisé sa propagande et semé à pleines mains l’or du gouvernement roumain que quelques Valaques, par intérêt, se déclarèrent roumanisans. Aujourd’hui, après le succès de la diplomatie roumaine, appuyée par l’Allemagne, à Constantinople, le nombre des roumanisans s’augmente

  1. Koutzo veut dire petit, boiteux. En slave, les Valaques s’appellent Tshintsar.