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de tous ces individus qui trafiquent de leur nationalité au mieux de leurs intérêts ; ils vont aux Roumains parce qu’ils les croient forts et riches.

A Monastir, les Roumains ont acheté un vaste cimetière et l’ont entouré de murs, mais ils manquent de morts, et Apostol Margarit est, jusqu’à présent, à peu près seul à y dormir ; aussi dès que meurt un Valaque, roumanisans et grécisans se disputent-ils passionnément le cadavre ; il y a eu à propos d’enterremens, entre prêtres des deux rites, des batailles scandaleuses. Dans toute la région de Monastir, les écoles roumaines se multiplient ; le successeur d’Apostol Margarit, jadis condamné par la justice turque et revenu dans le pays avec un passeport roumain, est aujourd’hui reconnu par les autorités ottomanes comme inspecteur des écoles roumaines. On peut voir, à Monastir, un négociant qui est né Albanais ; il a été successivement Bulgare, puis Grec ; maintenant il est Roumain : comme Sosie, il est du côté de celui qui paye. Que d’autres font comme lui ! N’est-ce pas là, disent les Grecs, une triste comédie, et n’y sent-on pas tout ce qu’il y a d’artificiel, tout ce qu’il entre de « bluff » dans ces prétentions roumaines ! Leur premier résultat a été de surexciter encore davantage les passions et les haines. Les roumanisans ne se contentent pas de propagande pacifique, ils se joignent aux bandes bulgares pour molester les Grecs, ou bien ils s’entendent avec les Turcs, à qui leur propagande n’inspire point d’inquiétude. C’est une bande turco-roumaine, celle d’Apostolati, qui a tué l’archevêque de Kastoria ; ce sont les Valaques roumanisans qui servent de guides aux troupes turques contre les bandes grecques ; on a même vu des Valaques s’habiller en soldats turcs pour aller tuer et voler les Grecs. Mais, quoi qu’ils fassent, ils ne sauraient réussira tromper longtemps l’opinion européenne et leur haine de l’hellénisme ne saurait les multiplier au point d’en faire un peuple ; d’après les Turcs, qui les favorisent et qui ont fait inscrire beaucoup de Valaques comme roumanisans, ils seraient vingt-deux mille ; en réalité, ils sont à peine neuf mille, les autres sont inscrits de force. Neuf mille, c’est même trop dire ; peut-être n’en trouverait-on pas quatre mille ! et c’est pour cette médiocre récolte, pour grouper quelques hommes qu’elle ne peut espérer s’annexer jamais, que la Roumanie mènerait toute cette campagne, dépenserait tant d’argent, se brouillerait avec la Grèce ? Non, il doit y avoir d’autres raisons : chacun sait