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Philippe et Alexandre le Grand ; mais où sont les anciens Macédoniens ? aussi disparus que Pella, où naquit Alexandre et dont il ne reste pas pierre sur pierre. D’ailleurs, étaient-ils bien des Grecs, ces Macédoniens qui firent la conquête de l’Hellade et qu’un Démosthène regardait comme des étrangers, comme des ennemis ? Qu’importe, au reste, à la Macédoine d’aujourd’hui l’histoire et « l’idée » hellénique, si la grande majorité de sa population chrétienne n’est pas grecque, mais slave. Personne ne conteste qu’au Vie et au VIIe siècle, plusieurs bans de populations slaves soient venus s’établir dans la Péninsule des Balkans : successivement les Serbes, qui étaient des Slaves purs, et les Bulgares, qui étaient des Tartans slavisés, y fondèrent des empires contre lesquels Byzance soutint de longues guerres. Au Xe siècle, un tsar bulgare, Siméon, régnait sur tous les pays qui constituent aujourd’hui la Bulgarie, la Serbie, la Macédoine, l’Albanie ; des tribus slaves descendirent jusque dans le Péloponnèse où l’on retrouve encore leurs traces. Oui, la civilisation byzantine a exercé une bienfaisante influence sur ces populations slaves, personne ne le nie ; mais est-ce une raison, parce que la civilisation romaine a transformé la Gaule et la Grande-Bretagne, pour que les Italiens d’aujourd’hui prétendent régner sur la France et l’Angleterre ? Si l’empire byzantin put survivre si longtemps, n’est-ce pas grâce à ces « barbares » slaves qui lui infusèrent un sang nouveau, et lui prêtèrent leurs bras et leur courage pour résister à l’invasion musulmane ?

Mahomet II, après la conquête, reconnaît le patriarche orthodoxe grec comme le chef de tous les chrétiens de son empire d’Europe, confondus tous ensemble sous le nom de « roméis : » les Grecs se servent habilement de ce privilège pour helléniser, par la religion et par la langue, toutes les nationalités des Balkans et les englober dans les cadres de l’organisation du patriarcat œcuménique. A travers tous les temps modernes se poursuit une lutte obscure, acharnée, dont les haines d’aujourd’hui sont le dernier écho. Les Bulgares subissent à la fois l’oppression politique et sociale des Turcs, qui les réduisent à une condition voisine du servage, et l’oppression religieuse et intellectuelle des Grecs, plus dangereuse encore pour l’avenir de leur nationalité, puisqu’elle tend à ôter aux Slaves l’espérance même d’une résurrection. Au XXIIIe siècle, la conquête entreprise par le patriarcat au nom de l’hellénisme semble achevée ; pour