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sont les Valaques ou Roumains de Turquie. Chassés des grandes plaines par l’arrivée des peuples slaves, les uns se dirigent vers la Transylvanie où ils se réunissent aux anciens colons de la Dacie pour devenir les Roumains d’aujourd’hui ; les autres descendent vers le Sud, en suivant les montagnes du Pinde, et se fixent dans les épais massifs qui séparent l’Epire de la Thessalie et de la Macédoine ; quelques-uns pénètrent jusque dans la Thessalie qui porta longtemps le nom de Grande-Valachie ; d’autres vont jusque dans le Péloponnèse. Au moyen Age, les chroniques si ml remplies des exploits de ces Valaques. Au XIIIe siècle, un monarque de leur race, Joanice, règne sur un vaste empire roumano-bulgare, qui s’étend depuis le Danube jusqu’au Pinde : Innocent III lui écrit une lettre flatteuse pour lui rappeler qu’il est, non pas Grec, mais Romain. Mahomet II, au moment de la conquête, quand il veut désigner les chrétiens de son empire d’Europe, ne les nomme pas Grecs ou Hellènes, mais Romains, « Romei. » Son prédécesseur, Mourad II, était venu lui-même dans le pays des Valaques et avait conclu avec eux une entente qui les laissait à demi indépendans dans leurs montagnes : c’est là que la race s’est conservée pure et forte, la langue intacte. Les Valaques vivaient côte à côte avec les Grecs et en parfaite intelligence avec eux. Peu à peu l’hellénisme les pénétrait, si bien que, lors des grandes guerres de l’indépendance, c’est la race roumaine qui a fourni à la Grèce ses héros les plus valeureux ; le fameux Botzaris lui-même était un Valaque. Dans la dernière guerre contre les Turcs, en 1897, ce sont encore les bataillons valaques, les evzones, qui ont fait la meilleure contenance. Jamais, jusqu’à ce jour, les Valaques n’ont cessé de donner généreusement leur sang et leur argent pour la splendeur et la propagation de l’hellénisme. Beaucoup d’entre eux, enrichis en Europe par le commerce ou la banque, ont consacré leur fortune à la gloire de « l’idée ; » le baron Sina, qui fit construire l’Académie d’Athènes, était un Valaque. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, les Roumains de Turquie et ceux du Danube n’avaient entre eux aucune relation ; les Valaques de Macédoine parlaient tous le grec qui était pour eux la langue de la civilisation ; il ne venait à l’idée de personne que l’on pût s’instruire en une autre langue que le grec. A la même époque, d’ailleurs, les riches Roumains des Principautés danubiennes savaient à peine l’idiome national qu’ils n’employaient que pour parler à leurs paysans ;