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population ne soit en majorité grecque ; tout le monde convient que la majorité des habitans de Salonique sont des Juifs originaires d’Espagne. Il est avéré encore, bien que les Grecs le contestent, que la grande majorité des habitans chrétiens de la Macédoine sont des Slaves.

Mais que sont ces Slaves ? C’est ici qu’éclatent les querelles les plus passionnées. Sont-ils Serbes, Bulgares, ou bien ne seraient-ils ni l’un ni l’autre, ou si l’on veut, l’un et l’autre, et devrait-on les nommer, comme font plusieurs auteurs, tout simplement Slaves macédoniens ? Si l’on consulte le passé, il nous apprend que la Macédoine a reçu à différentes reprises des afflux de populations slaves et qu’elle a été successivement le siège de plusieurs empires slaves, tantôt serbes, tantôt bulgares. L’histoire de ces dernières années nous montre les Slaves de la région de Kustendil, que l’on regardait généralement comme Serbes, devenir, de par le traité de Berlin, de très fidèles sujets du prince de Bulgarie, et les Slaves de la région de Pirot, que l’on tenait pour Bulgares, devenir d’excellens citoyens du royaume de Serbie. Certainement si le traité de San Stefano avait été exécuté, les populations slaves de Macédoine seraient entrées volontiers dans la Grande-Bulgarie. D’après les linguistes, les Slaves de Macédoine parlent une langue qui n’est ni tout à fait le serbe, ni tout à fait le bulgare. Pour apprécier la subtilité de ces distinctions philologiques, il ne faut pas oublier que les paysans de Serbie et ceux de Bulgarie se comprennent entre eux, ce qui n’arrive pas toujours à deux paysans français, allemands ou italiens venus de régions différentes. Le dialecte macédonien tiendrait le milieu entre ceux des deux États voisins, et encore convient-il d’observer qu’il n’est pas partout semblable à lui-même, se rapprochant davantage du serbe dans la partie septentrionale du vilayet de Monastir et davantage du bulgare dans les régions qui avoisinent la frontière de la principauté. Sur ces pointes d’aiguilles, on bataille avec acharnement : nous nous garderons, quand les augures s’excommunient entre eux, d’émettre, nous profane, un avis motivé. Le commandant Lamouche, philologue très compétent, aujourd’hui chef d’état-major du général Degiorgis Pacha, chef de la gendarmerie réorganisée en Macédoine, dit, dans son livre[1],

  1. La Péninsule Balkanique. Paris, Ollendorff, 2e édition, 1899, p. 24.