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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/388

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que « les dialectes macédoniens sont bulgares et non serbes ; » mais il convient que « c’est sur des différences très légères, sur quelques particularités, que l’on doit s’appuyer pour tracer la limite entre les deux langues ;… l’une des propriétés caractéristiques les plus importantes de ces différens idiomes est la présence de l’article en bulgare et son absence complète en serbe ; or, dans les dialectes macédoniens, l’article a pris un développement exceptionnel. » Les Serbes, en réponse, insistent sur d’autres particularités. Est-ce bien sur de si légères différences que l’on pourrait fonder une distinction de races, préparant une division nouvelle de la Macédoine ? Nous serions porté à attacher beaucoup plus d’importance à l’opinion des officiers européens, des Français en particulier, qui ont parcouru en tous sens leurs circonscriptions et interrogé les paysans hors de la présence des gendarmes ou des fonctionnaires turcs, ou à celle d’un Père Lazariste, M. Cazot, que ses fonctions de directeur du séminaire catholique bulgare de Salonique ont appelé à parcourir seul un grand nombre de villages de la région de Salonique. Presque tous ces témoins sont d’accord pour considérer comme Bulgares les Slaves de Macédoine. Enfin il est avéré que jusqu’à 1878, et notamment au Congrès de Berlin, les chrétiens de Macédoine étaient généralement regardés comme Bulgares. Eux-mêmes s’appelaient et s’appellent encore « Bougarine » (Bulgares). M. Cvijic conteste la valeur de cette appellation au point de vue ethnographique, mais sa critique nous paraît l’un des points les moins solides de son argumentation.

A quoi bon d’ailleurs prolonger un débat d’importance secondaire ? les argumens ethnographiques, philologiques, historiques, n’ont de valeur qu’autant qu’ils sont conformes à la volonté librement exprimée des populations ; les notions de race, de langue ou d’histoire ne sont à considérer qu’en tant qu’elles servent à déterminer cette volonté ; ce sont des moyens de propagande, mais dans la volonté des populations, et seulement là, est le critère de la réalité, le fondement objectif du droit. Il est vain de démontrer à des Valaques qu’historiquement ils sont Grecs s’ils veulent être Roumains, et inversement, ou à des Bulgares qu’ils sont Serbes. Mais le fait que l’on soit tenté de l’essayer, que les propagandes diverses travaillent à gagner des adhérens à leurs causes, prouve tout au moins qu’en Macédoine les volontés nationales ne paraissent pas encore nettement