Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/410

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’une chose : son portrait. Le portrait de la Hollande ? L’image de ses goûts, de ses ambitions ? Consultez là-dessus ces bizarres morceaux de Gonzalès Coques, — encore un Anversois que patronnent les Nassau, — examinez ses Intérieurs d’amateurs' ou ses Boutiques de peintures : c’est le musée de tous les genres, l’abrégé de toutes les écoles, flamande, bolonaise, vénitienne, romaine ; c’est le répertoire de la fable, de l’histoire et de l’allégorie ; . vous y verrez Titien, van Dyck, Jules Romain, Polydore, Rubens et même Velazquez : rien n’y évêque la Hollande ni l’art hollandais.

Chose curieuse ! hormis deux ou trois exceptions, pour un Gérard Dow, un Schalken — nous verrons pourquoi, — tous ces « petits maîtres » de terroir, parfois si vraiment grands, toujours si précieux, si suaves dans leur bonhomie, ces peintres excellens, Terburg, Vermeer de Delft, Pieter de Hoogh, Jan Steen, et les paysagistes, Ruysdaël, Cuyp, van Goyen, Hobbema, ont passé de leur temps inaperçus ou dédaignés. Tous sont morts misérablement, plus d’un à l’hôpital, comme liais, ou insolvables comme van Goyen ; d’autres, comme Hobbema, plus heureux, donnent leur démission d’artistes, finissent dans un petit emploi. Le pays qu’ils peignent si bien, avec tant de conscience et d’amour, les ignore ou refuse de se reconnaître en eux. On leur sait mauvais gré de leur simplicité. Ce sont de pauvres diables assez compromettans, que la bonne compagnie laisse pour compte à la mauvaise et abandonne à la bohème. On leur préfère les plus médiocres des italianisans. Mais il est clair que, pour tout le monde, le maître national serait celui qui le premier trouverait de l’idéal classique une formule hollandaise. C’est ce que ne pouvait promettre aucun auteur de « bambochades, » ni davantage les maîtres attitrés des « tableaux de corporations, » pas même les plus grands, un Ravesteyn ou un Franz Hals. C’est au contraire ce que le public cultivé espéra tout d’abord de la jeunesse de Rembrandt.

Les témoignages sont décisifs. Le premier en date, publié seulement depuis une quinzaine d’années, est ce curieux passage des Mémoires de C. Huygens. C’était un personnage considérable que ce Huygens, seigneur de Zuylichem et secrétaire d’Etat, mais surtout un homme d’esprit, un dilettante et un Mécène[1]. Ses Mémoires sont de 1631. La Leçon d’anatomie est

  1. Voyez dans la Revue du 1er juin 1893 l’étude de M. Emile Michel sur Constantin Huygens.