Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/414

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nec plus ultra de l’exotisme et le dernier mot de la « turquerie. » Vanité de la science ! Il se croyait aussi textuel et aussi authentique, que peut le faire de nos jours un Holman Hunt ou un laines Tissot !

Rien n’est plus relatif qu’une vérité d’histoire ou d’archéologie. Ce qui dure au contraire, ce sont les vraisemblances morales, les vérités du cœur, de l’âme, de la raison. Toute œuvre classique repose sur un acte de foi dans l’identité générale de la nature humaine et de ses grandes lois. C’est le Credo de l’humanisme, et c’est bien celui de Rembrandt. Revenons à Samson et au texte d’Angel : « Samson, poursuit le critique, propose son énigme. Du pouce et du doigt du milieu, il tient l’index de sa main gauche, geste familier aux personnes occupées d’un raisonnement. Quant aux convives, ils sont de naturels divers. Les uns, sans souci de l’énigme, lèvent un rouge-bord ; d’autres courtisent les femmes. Dans l’ensemble, c’est une noce joyeuse. Et, tandis que les gestes sont les mêmes qu’on voit faire encore aujourd’hui, néanmoins cette noce est bien distincte de toutes les autres. Voilà ce que j’appelle avoir bien lu, être bien versé dans l’histoire et avoir beaucoup médité. » Et Jérémias de Decker ne dit pas autre chose, en 1660, dans son joli sonnet sur le Noli me tangere du musée de Brunswick. De tous ces différens passages ressort la même conclusion : c’est que Rembrandt fut célébré par les plus avertis de son temps pour ces qualités « littéraires » ou intellectuelles, de pensée, de réflexion, de poésie qui manquaient à l’école du cru, et faisaient de lui au contraire ce que le XVIIe siècle mettait au-dessus d’un beau peintre : un grand esprit, un grand artiste.

Ce qui le prouve, c’est le succès de la Leçon d’anatomie. C’était le début du jeune maître en ce genre de « morceaux de corporations, » regenten ou doelen-stukken, comme on les nomme dans le pays. Devant cette page illustre, il est toutefois difficile de n’être pas déçu. La critique de Fromentin semble à peine sévère. Il faut, toutefois, voir ce qui existait en fait d’Anatomies avant celle de Rembrandt : cette comparaison lui rend sa vraie valeur, et on ne la trouve plus indigne de sa réputation. C’était la première fois qu’une collection de portraits se changeait en « tableau, » et qu’un procès-verbal d’Académie de médecine s’élevait à la vie de l’art. Chose toute nouvelle en Hollande, la forme était conçue comme la langue de l’universel. D’un simple procédé de