et fera choir dans les situations les plus baroques. Il est celui qui devait prendre Marion de Lorme pour une vertu et lui parler d’amour chaste. Et ce nigaud est prétentieux ! Il raisonne, il conseille, il disserte. Il se permet d’avoir une opinion sur les choses ; il juge les gens et il les juge de haut ! Il est méprisant, il est impertinent, il est grossier. Car tout chez lui, le langage, le ton et le geste, sont d’un homme mal élevé. Victime de sa paresse et de sa vanité, il met son impuissance sur le compte d’une fatalité qui s’obstinerait à le poursuivre, comme si la fatalité avait du temps à perdre sur un Didier. Envieux, malgré son affectation de détachement, et inconsolable de n’être ni gentilhomme ni riche, il s’en prend aux hommes et aux dieux de sa bâtardise, de sa roture et de son indigence. Quand il ne gémit pas, c’est qu’il rugit. Quand il ne larmoie pas, c’est qu’il prêche. Insipide phraseur, on voudrait lui imposer silence, le rappeler à la pudeur ; il continue, sinistrement ! Ses extases, ses tristesses, ses colères, tout en lui nous choque et venant de lui nous irrite. C’est au point que nous ne pouvons plus le voir entrer en scène, sans avoir envie de sortir de la salle. Peut-être, après tout, y aurait-il un moyen de jouer encore Marion de Lorme… ce serait de couper le rôle de Didier !
A la faveur de la fièvre romantique, le personnage avait passé ; ses furieuses déclamations avaient trouvé quelque écho : c’était le héros byronien qui s’emparait de la scène. La fièvre est tombée. Nous rendons son expression véritable à la figure que déformait le cauchemar : figure d’un sot, mais d’un sot qui appartient à l’espèce malfaisante.
Si le rôle de Didier nous révolte, celui de Marion de Lorme nous est devenu à peu près incompréhensible. Sous peine que la pièce perde toute espèce de signification, il faut que nous apercevions tour à tour, en Marion, un démon et un ange. Mais il nous est impossible de voir en elle ni l’un ni l’autre. On se demande à qui l’auteur en a : ses abominations comme ses adorations se trompent pareillement d’adresse. Les contemporains n’auraient pas compris l’anathème jeté à cette aimable personne : ils l’estimaient, en la manière qui convenait. « Lorsqu’elle fut, dit Tallemant, solliciter le feu président de Mesme pour faire sortir son frère Baye de prison, où il avait été mis pour dettes, il lui dit : « Eh ! mademoiselle, se peut-il que j’aie vescu jusqu’à cette heure, sans vous avoir veue ? » Il la conduisit jusques à la porte de la rue, la mit en carrosse et lit son affaire dez le jour mesme. Regardez ce que c’est ! Une autre en faisant ce qu’elle faisait aurait déshonoré sa famille ; cependant comme on vivait avec elle avec