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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/543

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Si je prenais l’Intérieur au lieu de la Justice, rien ne serait terminé. Il resterait à choisir un ministre de la Justice, et ni dans la Chambre, ni au dehors, je ne connais personne qui m’inspirerait à la Justice la confiance que Chevandier m’inspirera à l’Intérieur. Je n’attends pas quatre heures pour communiquer à Votre Majesté mes réflexions, parce que le temps presse et que, ne concevant plus aucune combinaison en dehors de celles que j’ai proposées, je désire donner tout de suite à Votre Majesté la possibilité de nommer une autre personne. Je suis avec respect votre bien affectueusement dévoué. » L’Empereur me fit répondre qu’il m’attendait à quatre heures et qu’il acceptait toute ma liste. Je n’avais pas encore vu Bertemy. Je l’avais proposé sur les affirmations du prince Napoléon, et je devais le rencontrer au Palais-Royal, avant de me rendre aux Tuileries. Je trouve un homme troublé, indécis, qui, au lieu de me dire un oui net, conclut, après beaucoup de circonlocutions : « Si l’Empereur me donne un ordre, j’accepte ; s’il n’exprime qu’un désir, je refuse. » « Je n’ai pas d’ordre à donner, me dit l’Empereur, lorsque peu d’instans après je lui rapportai cette réponse ; je n’ai qu’à accepter ou à repousser la liste que vous me présentez sous votre responsabilité. » Nous effaçâmes donc Bertemy, lui substituâmes Gaudin et replaçâmes Louvet au Commerce. L’Empereur signa ma nomination de Garde des sceaux. Les autres décrets n’étant pas préparés, la signature fut remise au lendemain.

Au sortir des Tuileries, je vais chez Chevandier, et ensemble nous nous rendons successivement chez nos futurs collègues. Nous ne trouvons pas Magne ; nous lui laissons le billet suivant : « Mon cher collègue, tout est terminé, M. Bertemy hésitant à accepter, nous avons pris Gaudin, et à la place de Gaudin, Louvet. Le ministère est ainsi composé… (suivait la liste). Maintenant, Dieu veuille que le flot nous porte haut et loin ; du moins, nous sommes sûrs que nous pourrons tomber la tête haute et en hommes de cœur. Ce qui m’encourage beaucoup plus que tout, c’est de penser que nous serons soutenus par votre admirable parole et par votre expérience. Il a été convenu que l’insertion au Moniteur aura lieu le 2 janvier. Votre tout dévoué

EMILE OLLIVIER.

« Mon salut bien amical.

CHEVANDIER DE VALDROME. »