ne faites pas une nouvelle démarche auprès du Centre Gauche. » — Et moi, d’un ton encore plus sec : « Vous l’exigez ? Je la ferai. » Je me levai, le saluai de la tête et sortis.
Depuis huit jours, je m’ingéniais de toutes manières afin que Magne gardât sa situation. Je m’étais séparé du Centre Gauche, presque brouillé avec Girardin, et, au dernier moment, par une retraite inattendue, il faisait crouler tout ce que j’avais eu tant de peine à édifier. Cette conduite m’eût paru stupéfiante si l’Empereur ne m’en avait donné le sens la veille en me racontant qu’au moment où il allait me charger de former le Cabinet, Magne et Chasseloup lui avaient conseillé de confier plutôt cette mission à Schneider, pendant que Schneider lui donnait l’avis de s’en remettre à Magne. Et comme l’Empereur avait déclaré qu’il était décidé à m’appeler, Schneider avait observé : « Du reste, Ollivier ne réussira pas, et alors Magne se trouvera là. » Cette confidence m’expliquait l’attitude de Magne. Tant qu’il m’avait vu aux prises avec les difficultés, il avait l’air de me seconder ; dès que j’en étais sorti, comme il fallait que je ne réussisse pas, il se retirait, convaincu que je ne pourrais pas reprendre de nouveaux arrangemens avec le Centre Gauche. Et alors il serait là. Je ne délibérai pas une minute ; je dis à Chevandier dans l’escalier : « Ah ! le bonhomme veut nous mettre dedans ; nous le mettrons dehors ; dans quelques heures, j’aurai mon ministère et il n’en sera pas ! »
Du même pas, je me rendis chez Cochin : « Vous avez paru hier au soir affecté de la rupture de mes négociations avec vos amis. Ayez la bonté d’aller les trouver, et de leur déclarer de ma part que je suis disposé à les reprendre et à tout terminer avec eux ; j’abandonne Magne et Chasseloup, et, dès lors, leur motif de ne pas entrer dans ma combinaison disparaît. S’ils refusent, je renoncerai au mandat que m’a donné l’Empereur en expliquant mes motifs dans une lettre publique. » Je lui racontai en même temps sans réticence ce qui venait de se passer entre Magne et moi. Cochin joyeux se rendit chez Daru, à qui de mon côté j’écrivis : « Mon cher collègue, il me revient que vos amis se plaignent de n’avoir pas été suffisamment mis en demeure d’entrer dans le Cabinet que je suis chargé de constituer. Il importe à tous qu’aucun doute ne subsiste sur notre situation réciproque, afin que chacun supporte devant le pays la responsabilité qui lui incombe. Je suspends donc mon œuvre ; je vous prie