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envoyé au Corps législatif pour soutenir l’Empire ? Tout le monde répondra que les électeurs de la Seine, aussi bien que ceux de Montpellier, ont élu M. Picard pour faire à un gouvernement, né dans le sang, criminel dans son principe, humiliant dans sa réforme, odieux dans ses moyens, désastreux dans ses résultats, une opposition radicale, irréconciliable et systématique. Quelles que soient les concessions arrachées à ce gouvernement, quels que soient les hommes qu’il appelle aux affaires, si M. Picard fait un pas, un seul pas, vers lui, il trahit son mandat. » Picard se le tint pour dit. Quoique conservant en lui-même les sentimens qui lui avaient dicté son article, il ne les exprima plus et, en attendant l’occasion favorable de les manifester de nouveau ou de se les faire pardonner, il rentra dans le rang. La Gauche se retrouva compacte dans sa politique de haine et d’implacable hostilité.

Les légitimistes n’étaient pas moins tenaces que les républicains dans cette politique de haine et d’implacable hostilité. Du côté des orléanistes, la perspective semblait moins sombre. Une partie d’entre eux, impatiente d’action, les Saint-Marc Girardin, les Prévost-Paradol, les Weiss, les Hervé, disaient, depuis plusieurs années, que si l’Empire devenait parlementaire, ils le soutiendraient, et ils étaient d’autant plus disposés à tenir cet engagement, que quelques-uns avaient éprouvé, dans de récentes campagnes électorales, les rebuts, dédaigneux ou violens, du parti révolutionnaire. Ils y étaient poussés par de hauts encouragemens. Le vénéré duc Victor de Broglie, se rappelant avec regret qu’il n’avait pas soutenu le ministère Martignac assez complètement ni assez longtemps, qu’il ne lui avait pas tenu assez de compte des obstacles créés par la Cour, recommandait instamment « qu’on se gardât bien d’entraver, par des impatiences et des prétentions exagérées, la tâche difficile que des hommes de bien et de talent entreprenaient avec un courageux dévouement, et qu’on ne renouvelât pas les fautes qui, à d’autres époques, avaient fait échouer d’autres tentatives plus ou moins analogues. » Mais les intimes de la famille d’Orléans avaient ressenti un profond désenchantement, car ils n’entrevoyaient plus pour leurs princes que la vie errante des Stuarts, loin de leur patrie et du trône. Leur opposition persistante devenait d’autant plus amère qu’ils se croyaient obligés, pour un temps, de s’associer à la satisfaction générale. Dans le parti