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de Jérusalem et de la Galilée peuvent répondre. Ce qui, en tout cas, n’est pas douteux, c’est la profonde, l’ingénue sincérité avec laquelle le poète a accompli ce « pèlerinage sans foi, » a tenté cette pieuse expérience. Sans doute, comme Chateaubriand jadis, il est allé là-bas, en Terre-Sainte, « chercher des images nouvelles, » et aussi bien, les paysages qu’il en a rapportés comptent-ils parmi les plus beaux qu’il ait brossés ; mais ce n’était pas son vrai, ou du moins son principal dessein. Il faut en croire non l’artiste, mais l’homme, quand, nous parlant de cette « sorte de patrie mystique, » il nous déclare qu’il avait « espéré y trouver autre chose que le sentiment de la nature souveraine et de son renouveau éternel. » Très sincèrement, en « évoquant sur place et dans leur cadre originel des souvenirs de la Bible et du Christ, » il a voulu « réveiller au fond de lui-même les vieux espoirs morts, » il a voulu retrouver cette foi dont il a connu toute la vertu consolante et pacifiante, et faire revivre dans son âme, « qui fut parmi les tourmentées de ce siècle finissant, » « ce pardon-que Jésus avait apporté, cette consolation et ce céleste revoir. »


Oh ! il n’y a jamais eu que cela ; tout le reste, vide et néant, non seulement chez les pâles philosophes modernes, mais même dans les arcanes de l’Inde millénaire, chez les sages illuminés des vieux âges. Alors de notre abîme, continue de monter vers celui qui jadis s’appelait, le Rédempteur, une vague adoration désolée… Vraiment, mon livre ne, pourra être lu et supporté que par ceux qui se meurent d’avoir possédé et perdu l’Espérance Unique ; par ceux qui, à jamais incroyans comme moi, viendraient encore au Saint-Sépulcre avec un cœur plein de prière, des yeux pleins de larmes, et qui, pour un peu, s’y traîneraient à deux genoux. [Jérusalem, p. 1-2.]


« A jamais incroyans comme moi : » l’aveu dit assez l’issue de l’expérience. Et pourtant, qui oserait dire que « le rêve religieux » du poète ait de tous points avorté ? Si, avec sa sincérité foncière, il ne nous fait grâce d’aucun des doutes qui l’assaillent, fût-ce même dans sa dernière visite au Saint-Sépulcre ; si, « avec ses idées calvinistes, » Jérusalem lui paraît décidément « trop idolâtre ; » s’il ne peut s’empêcher d’en vouloir aux moines qui lui ont « banalisé le Grand Souvenir ; » si, plus d’une fois, il éprouve « le froid des déceptions irréparables ; » si, alors, il se sent « repris par le charme de l’Islam, » ou encore « rappelé à la terre » par un de ces « leurres d’un jour appropriés sans doute, mieux que les grands rêves, à notre brièveté dérisoire ; » si enfin, dans la nuit qu’il passe au Gethsémani, et où il s’était