Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/780

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

crut point devoir satisfaire à ce désir, sans lui en demander la permission. Lorsque, dès la veille, il avait témoigné pour la première fois ce désir, le Roi avait consulté les médecins. Ceux-ci avaient répondu qu’ils ne doutaient pas que le Duc de Bourgogne ne fût en état de communier très prochainement à l’église. « Dans ce cas, avait répondu le Roi, il ne faut pas répandre inutilement l’alarme dans mon royaume, » et il avait refusé la permission. « Fiat, fiat, » avait dit le Duc de Bourgogne en apprenant ce refus ; mais, de plus en plus persuadé que sa mort était imminente, il demanda de nouveau ce jour-là à recevoir les sacremens et avec tant d’insistance qu’on fut en parler à Mme de Maintenon. Elle se déroba. « M. le Dauphin a vécu comme un saint, répondit-elle ; il veut se préparer à mourir comme un saint. Je ne puis que louer ses sentimens ; mais je ne saurais juger de son état. » De nouveau on consulta les médecins qui persistèrent à assurer que le prince n’était pas en danger imminent. On prit alors le parti de soumettre au Roi les désirs du prince et l’avis des médecins. Il fut inflexible. « Je ne suis pas surpris, dit-il, que M. le Dauphin, qui communie si fréquemment lorsqu’il est en santé, veuille le faire étant malade ; mais il faut qu’on lui rappelle que les règles de l’Eglise qu’il ne voudrait pas enfreindre ne permettent la communion en viatique que dans le cas d’un véritable danger, et c’est aux médecins qu’on doit s’en rapporter plutôt qu’à lui-même. » Le Duc de Bourgogne se soumit avec docilité à cette décision, mais il demanda qu’au moins l’Extrême-onction lui fût administrée. Les médecins assurèrent de nouveau « qu’il n’étoit nullement dans le cas de recevoir ce sacrement. » Ce second refus fut particulièrement cruel au pauvre prince. « O mon Sauveur, s’écria-t-il, puisqu’on ne veut pas me croire, il faudra donc que je quitte ce monde sans la consolation des secours que vous avez établis pour les mourans. Vous voyez les désirs de mon cœur. Que votre volonté soit faite. » « Mais, continue Proyart, les lâches tempéramens des médecins furent éludés par un tempérament plus chrétien que proposa une personne vertueuse. (Nous savons par son propre témoignage que ce fut le Père Martineau.) Comme on s’appuyoit des règles de l’Eglise pour empêcher que le prince communiât en viatique, on dit qu’il pouvoit le faire à jeun aussitôt après minuit, et ceux qui ne cherchoient qu’à épargner au Roi un spectacle affligeant applaudirent les premiers à cet