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expédient qui combloit les vœux du malade et qui les soustrayoit eux-mêmes au reproche d’avoir, par des considérations humaines, laissé mourir un Dauphin sans sacremens[1]. »

Le Roi donna son assentiment à ce tempérament, et, rassuré par les médecins qui ne croyaient point ou feignaient de ne point croire au danger, il s’alla coucher. Quelques instans avant minuit, le Père Martineau donna l’absolution au Duc de Bourgogne et, à minuit sonnant, la messe commença dans sa chambre. Elle fut célébrée par l’abbé du Cambout, premier aumônier du Roi. Le Duc de Bourgogne communia avec une grande ferveur. « Alors, rapporte le Père Martineau, la tranquillité prit la place de l’inquiétude qu’il avoit fait paraître auparavant. Il étoit en possession de Celui qu’il aimoit, qu’il désiroit, qu’il cherchoit, Son cœur étoit content. » « Que j’ai d’obligation à Dieu, dit-il au Père Martineau, de ce qu’il veut bien me tirer maintenant du monde où tant de pièges m’étoient préparés ! De quels dangers pour le salut le trône n’est-il pas environné ! Aurois-je eu assez de fidélité pour n’y pas périr ? » De nouveau, et à haute voix, il entreprit une sorte d’examen de conscience et de revue générale de sa vie. Il fit allusion aux mauvais procédés dont il avait été victime. « Seigneur, dit-il, j’ai la confiance que vous me pardonnerez mes offenses, comme je leur pardonne le mal qu’ils m’ont fait ou qu’ils m’ont voulu faire. » Quelques scrupules lui vinrent sur les ordres qu’il avait pu donner pendant qu’il commandait les armées, et sur la part qu’il avait eue à l’effusion du sang humain. Ce souvenir l’attrista, mais il se rassura cependant en disant : « Il me semble que, par la grâce de Dieu, je ne me suis déterminé ni par haine, ni par vengeance dans les ordres ou les conseils que j’ai pu donner contre nos ennemis. »

Cependant, il continuait à être en proie à de vives souffrances. Il se sentait dévoré par un feu intérieur, et ces souffrances tournèrent sa pensée vers celles qu’avait dû ressentir la Duchesse de Bourgogne : « Oh ! ma pauvre Adélaïde, s’écria-t-il, que tu as dû souffrir ! O mon Dieu, que ce soit pour le salut de son âme ! Unissez mes souffrances aux siennes ; sanctifiez-les par les vôtres et accordez-lui le repos éternel. » Il parla ensuite de son fils, le Duc de Bretagne, qu’il aurait souhaité voir. Mais il fit réflexion qu’à raison de la contagion, il valait mieux le laisser à

  1. Proyart, t. II, p. 365.