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Meudon où on l’avait envoyé. « Je le reverrai bientôt, » dit-il. Quelqu’un, qui se trouvait dans la chambre, se méprit au sens de ces paroles, et courut dire à Mme de Maintenon que le Duc de Bourgogne concevait l’espérance de sa guérison, puisqu’il parlait de revoir son fils. « Vous ne comprenez pas, répondit Mme de Maintenon, que c’est dans l’Éternité qu’il compte le revoir. Il dit bientôt, parce qu’aux yeux de sa foi, la plus longue vie n’est qu’un songe. » Lorsqu’elle l’était venue voir, il lui avait parlé de ses enfans et lui avait dit qu’ « il n’avait nulle inquiétude à leur sujet, parce qu’il savait que le Roi et elle ne négligeraient rien pour leur assurer la meilleure éducation. » Il lui parla ensuite du Roi : « Je sais, dit-il, jusqu’où va sa tendresse pour moi. Ma mort va l’affliger cruellement. Dites-lui pour le consoler que je meurs avec joie[1]. »

Comme vers la pointe du jour il semblait un peu plus calme, le Père Martineau lui demanda la permission d’aller dire sa messe dans la chapelle du château, et l’engagea à se reposer pendant ce temps. « Ce n’est pas ici, répliqua le Duc de Bourgogne que je dois penser à me reposer. Je ne me promets plus que le repos en Dieu, je soupire après, et j’espère que j’y parviendrai par sa divine miséricorde. Allez, et ne m’oubliez pas à l’autel. »

Le Père Martineau se rendit à la chapelle. Il était sept heures du matin. Comme il n’y avait qu’un autel dans la chapelle de Marly, il fut obligé d’attendre qu’un prêtre qui venait de commencer de dire la messe eût terminé. Il n’était pas encore tout à fait arrivé à la fin de la sienne lorsque le clerc de la chapelle vint le prévenir que le Duc de Bourgogne était à toute extrémité et qu’on envoyait chercher ce qui était nécessaire pour lui administrer l’Extrême-onction. Le Père Martineau s’empressa de revenir et trouva le prince en proie à un délire furieux. Il fallait quatre personnes pour le maintenir dans son lit. En voyant approcher le Père Martineau, il sembla cependant le reconnaître. « Ah ! mon Père, » dit-il, à demi-voix. « Quel trait pour moi que cette courte parole ! ajoute le bon Père. Combien de choses, toute courte qu’elle est, dut-elle faire comprendre à un homme accoutumé au langage de celui qui la prononça et dont le cœur lui était si connu ! » et il termine ainsi son récit dont les touchans

  1. Proyart est seul à parler de cette visite que Mme de Maintenon aurait faite au Duc de Bourgogne mourant, sans indiquer exactement à quel moment elle aurait eu lieu. Ni Sourches, ni Dangeau n’en font mention.