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nationale de l’Allemagne, qui est nécessaire pour la santé et la prospérité des petits Etats. » Néanmoins, ce discours signalait avec gratitude « les petits succès » obtenus dans l’œuvre de rapprochement avec la Confédération du Nord. Il exprimait sa satisfaction des progrès de l’organisai ion militaire et du traité avec la Confédération du Nord et des facilités résultant de la réciprocité militaire.


XII

Le Roi, Bismarck et les hommes d’Etat prussiens suivaient attentivement les phases du mouvement anti-prussien en Bavière et en Wurtemberg. Le Roi le constatait avec une lassitude résignée. Il déplorait la difficulté de l’Union : « Nous parviendrons à l’unité allemande, disait-il, mais quand ? » — « La situation, écrivait-il à son fils, est encore à peu près telle qu’elle était lorsque je succédai à mon frère défunt. » — On marchait dans la pensée que l’affaire allemande se trouvait engagée dans une impasse, dont personne ne saurait la tirer. Le pire était que le mécontentement, toujours plus manifeste dans le peuple, ne pouvait plus être dissipé par les gouvernemens, particulièrement à Bade. On s’efforçait par de bonnes paroles de maintenir la foi dans l’avenir, mais les partisans d’une Allemagne unie voulaient voir des faits, que personne ne pouvait réaliser[1]. C’était à la France qu’on imputait l’état d’anxiété, le trouble des esprits et des affaires. Sans elle, disait-on, tout serait terminé et l’Allemagne constituée. Son nom était maudit. Stoffel s’étant rendu à Stettin (septembre 1869) pour suivre les manœuvres prussiennes, et traversant la ville en voiture découverte, seul et en uniforme, fut suivi par plusieurs individus qui l’apostrophèrent d’injures en l’appelant « ignoble Français[2]. » En Suisse, notre grand historien Michelet avait entendu les Allemands tenir devant lui un langage menaçant : « De Sadowa, disaient-ils, nous devions aller à Paris. Nous le prendrons l’année prochaine[3]. » On s’étonnait de l’obstination de Bismarck à refuser l’annexion de l’Etat de Bade qui s’offrait à la Confédération du Nord. On le pressait de brusquer l’événement : sans doute

  1. Ottokar Lorentz.
  2. Stoffel, Rapports de septembre 1869.
  3. Michelet, la France devant l’Europe, p. 14.