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que l’administrateur invite les indigènes, pressés sous sa varangue, à voir comment les Français se réjouissent en famille, il leur témoigne qu’il est curieux de ses divertissemens et amusé de ses mœurs, il fait acte de présence soit dans ces bals où une Marseillaise jouée sur des flûtes en bambou salue son entrée, où les lanciers et les impériales sont dansés par la jeunesse hova avec une élégance naturelle et des fioritures d’entrelacs, soit dans ces réunions publiques où un pitre sauteur, monté de l’Ouest, entasse histoires sur histoires et lance des grimaces en pilant le sol d’une plante fougueuse.

Progressivement, depuis 1896, les civils ont été substitués aux militaires. On a souvent été injuste envers ceux-ci : certes on a eu à déplorer des cas de despotisme, voire de concussion, dont quelques-uns ont été l’objet de condamnations ; des députés ont pu signaler des officiers abusant de leur pouvoir pour décimer les troupeaux à leur profit ou édifier des villes dans des endroits peu commerçans, s’y maintenant afin de ne pas avouer leur erreur et épuisant ainsi par leur faute individuelle toute la ressource de l’effort administratif ; mais l’on n’a jamais tenu suffisamment compte de ce que la période de gestion militaire a coïncidé avec la première époque d’occupation où il fallait réprimer l’insurrection et qu’il y est moins aisé de rendre à des indigènes perfides ou tremblans une justice déjà réputée si injuste dans les métropoles pacifiques depuis les plus lointains classiques. Les critiques, à force de se vouloir humanitaires, manquent de philosophie. Pour ne pas glorifier tous leurs actes, reconnaissons au moins que fréquemment les officiers des colonies se montrent intelligens et actifs ; ce sont même, si l’on veut bien, des intellectuels, et leurs rapports ou les études publiés par eux dans les Notes, Reconnaissances et Explorations de Tananarive, ingénieux, érudits, dénotent une culture généreuse, un sens artistique délié, une jolie psychologie, une compréhension amicale des âmes simples.

Ils ont montré de sérieuses qualités d’administration, et, s’il faut un nom pour symboliser l’idée, l’effort et les résultats pratiques de la régie militaire, on n’en saurait trouver de meilleur que celui du général Lyautey, le plus brillant disciple du général Galliéni, personnalité hardie et noble, laborieux, sagace, persévérant, curieux et entêté d’innovations, ressassant à ses officiers avec une souriante obstination des leçons d’agriculture et de méthodes commerciales et en gavant les indigènes, —