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homme de convictions et d’action, aussi énergique que charitable, aime et respecté de tous, esprit et cœur supérieurs. Au-dessus de tous, le général Galliéni a donné la preuve de ce que pouvait accomplir, dans un pays de surprise, un soldat dont les campagnes en Afrique et en Asie avaient enrichi et humanisé le génie militaire français en un génie colonisateur d’ample envergure, rapide à éventer les ruses et découvrir les ressources de toutes les races, à investir leur apathie, à emporter d’assaut leur admiration superstitieuse, à pacifier en travail soumis les instincts de banditisme. Sans nul doute son œuvre, grandiose, reste incomplète, instable ; des erreurs nombreuses et radicales la lézardent, par l’impéritie ou l’inexpérience de subordonnés présomptueux et de manœuvres brutaux, par la précipitation de l’exécution. Mais c’est une œuvre. Elle porte l’empreinte d’un esprit vif, décidé et catégorique, d’une intelligence cultivée et large d’où rayonnait sur tous les services une généreuse complexité de vues, et d’une tenace et souple volonté. Si tant de qualités supérieures n’ont pu fonder le monument durable qu’elles avaient projeté, c’est surtout parce que le pouvoir civil de la Métropole, inconstant, ignorant et autoritaire, a tout fait pour les énerver et finalement dissocier leur, coopération. De même si les entreprises du général Lyautey et de beaucoup d’officiers n’ont pas toujours abouti, il le faut souvent imputer au défaut de persévérance des administrateurs qui leur ont succédé avec l’idée arrêtée de dénoncer l’inanité de leurs conceptions.

Depuis que les civils règnent sur presque toute l’île, les récriminations n’ont pas diminué. On n’a point relevé d’« atrocités » comme au Congo, on a particulièrement signalé des irrégularités financières, — illégales commandes sans adjudication, prélèvemens de chefs de chantier laissant figurer sur l’état des soldes un quart absent de leur effectif, escamotage de contrôle, — qui, si nombreuses soient-elles, sont moins graves que lorsque pesaient sur l’indigène les exactions des Hovas. En dehors des inspections métropolitaines, une tutélaire Administration Centrale de Tananarive peut les réduire de plus en plus, car le fonctionnaire français a un fond d’honnêteté et craint la loi. Lors de la transmission des pouvoirs du général Galliéni à M. Augagneur, le personnel a subi un contrôle si minutieux qu’il a été dans la suite complètement remanié, bouleversé : des mises à la retraite ont été signifiées, de nombreuses arrestations opérées