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précisément parce que le commerce est pour eux principale occasion de marchandage, de conversations, et celles-ci ne sauraient être prolongées qu’entre personnes de même race. Ils ont au demeurant l’esprit calculateur, et leur jeu préféré, le fanorana, prête à des combinaisons plus compliquées que les dames.

Les qualités physiques de ce peuple encore plus « débrouillard » qu’ingénieux sont de celles qui se manifestent en société ou pour un état social raffiné : dans l’horlogerie, la ferblanterie, la chapellerie, métiers qu’ils exercent en atelier ou au marché, tout en bavardant : leur patience, leur grande sûreté de main, leur vue très étendue et très distincte, leur assurent une incontestable maîtrise. Les défauts sont du même ordre. Ils se montrent orgueilleux à outrance : les andrianes (nobles) affectent l’arrogance et tous les Mérinas abaissent sous leur mépris les autres tribus de l’île à qui ils ont fait sentir durement leur domination. Le grand roi Andriana avait estimé que ce vice était le plus grave et il avait édicté contre les mupiavonavona (orgueilleux) ses lois les plus rigoureuses : les fokon’olona avaient le devoir de détruire leur tombeau de famille et leur maison ; « mettez-les en quarantaine et ne leur donnez pas même l’eau. » Elles ne purent l’extirper : les récens mémoires, conservés aux archives de Tananarive, de Rainandriamanpandry, colonel à quinze ans et ministre de l’Intérieur que lit exécuter le général Galliéni, nous renseignent sur la qualité, fort pédantesque et vieillotte, de l’orgueil hova, notamment par de tels axiomes qui, au surplus, dénotent quelque philosophie : « Les Français ont beau être en République, ils savent bien qu’il ne faut pas mettre sur le même pied un roi et un paysan ou un tailleur de pierre. »

Devant les vainqueurs, ils sont obséquieux, hypocrites : « S’il y a nation au monde, disait Flacourt, adonnée à la flatterie, cruauté, mensonge et tromperie, c’est bien celle-ci. » Ces diplomates ne se croient liés par aucune promesse. M. Grandidier a particulièrement noté « leur duplicité naïve, leur esprit cauteleux et méfiant : » encore, à vivre au milieu des gens du peuple, reconnaît-on, selon la fine analyse de M. Carol, que chez eux, cette duplicité est une simple déformation morale produite par des siècles de terreur, en sorte qu’un Hova ne vous répondra jamais ce qu’il pense, moins d’ailleurs pour vous le cacher que pour chercher à dire ce qu’il suppose que vous désirez entendre : de là ses contradictions successives au cours d’un même