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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/867

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interrogatoire au fur et à mesure que ses dernières réponses semblent ne pas vous contenter ; pendant que vous vous acharnez à poursuivre sa vraie pensée, il court éperdument après la vôtre. Bassesse, lâcheté qui ne peut même pas se mesurer à ses terreurs légitimes, dictant à celui qui déteste le plus la France les hyperboles d’un style qui sait s’assimiler rapidement toutes les épithètes et les tournures du Journal Officiel : ainsi le gouverneur principal Rasanjy ne parle dans ses discours que de « prosternation » du peuple aux pieds de son sauveur le général Galliéni et des bienfaits dont celui-ci accable les nouveaux enfans de la généreuse France.

Leur paresse, proverbiale, est un plaisir de société : on a dit fort justement qu’elle était faite de philosophie et d’espièglerie ; elle dénote surtout l’instabilité mentale : la monotonie leur répugne dans le travail plutôt que la dureté ; le laboureur exécute une besogne extrêmement fatigante, mais qui ne dure que quelques semaines ; après quoi, il court à d’autres occupations ; peu de paysans européens pourraient supporter le métier de bourjanes, portant à des ou sur l’épaule 8 à 10 heures par jour, souvent à la course, mais se distrayant aux étapes toujours nouvelles et aux gîtes d’une galanterie cosmopolite. On a vu à Tananarive un typographe, qui composait la nuit, confectionner, le jour, des tables et des horloges. Peut-être ne faut-il point dire : paresse, mais : baguenaudage. Ils sont plus badauds que les Parisiens mêmes : un mot grossier, une simple constatation de maladresse, un rien les amuse pendant des heures, à petits rires modulés d’où bientôt jaillissent des chansons caricaturales.

lisse trahissent aussi avares, usuriers et voleurs, défauts qui ne sont guère des attributs, de peuples primitifs. En dernier lieu, un trait social est très caractéristique : doux et pacifiques, ne frappant jamais chez eux les animaux, ils deviennent cruels en public, froidement sanguinaires : le tontakély (voleur avec effraction) est-il surpris, la foule se précipite sur lui et fait rapidement justice, surtout s’il est faible. Un sport qui passionne les enfans consiste à laisser retomber plusieurs fois de suite sur une lame très pointue une volaille dont ils ont lié les pattes et les ailes. Ces raffinemens chinois sont des divertissemens auxquels on ne se livre jamais seul. Aux grandes fêtes nationales du Fandroana, la liesse populaire se donnait cours par un dépeçage de bœufs