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mouvement unitaire, il se passerait encore bien des années avant que le nouvel État fédéral, qui doit s’étendre, de la Kœnigsau au Kœnigsee et de Memel aux portes de Bâle, soit achevé, et avec lui la nouvelle Allemagne[1]. » Bismarck discerna, avec sa justesse de vue, que s’il était de toute impossibilité d’obtenir des États du Sud une adjonction spontanée, ou de leur en imposer une violente, il était au contraire très possible, en sachant bien préparer et choisir l’occasion, de leur mettre en main les armes contre la France. Il connaissait mieux la véritable nature des habitans de ces États que les conseillers impatiens de l’annexion. Il savait que si le péril prussien les effrayait en ce moment, ils restaient encore plus prompts à être mis en alarme par le péril français. En 1840, en 1859, c’étaient eux qui s’étaient déchaînés avec le plus de violence contre l’ambition française. Strasbourg, entre nos mains, leur était un perpétuel cauchemar. « Le coin que poussait l’Alsace en Allemagne les en séparait, disaient-ils, plus effectivement que la ligne imaginaire du Mein. » Le feu roi Guillaume de Wurtemberg disait à Bismarck : « Le nœud de la question est à Strasbourg, car cette ville, tant qu’elle n’est pas allemande, forme toujours l’obstacle qui empêche l’Allemagne du Sud d’adhérer sans réserve à l’unité allemande et à suivre sans restriction une politique nationale allemande. »

La Bavière, en possession d’une partie du Palatinat, le long de notre frontière, s’estimait particulièrement menacée par l’impatience d’agrandissement qu’on nous supposait. Bismarck ne doutait pas qu’au premier signal des hostilités entre nous, tous les dissentimens s’apaiseraient et que les populations et gouvernemens répondraient sans hésiter à l’appel du chef militaire de la patrie commune. Il était donc acculé à ce dilemme : ou renoncer pour un temps indéfini à l’Unité, ou faire la guerre à la France pour la réaliser. Renoncer à l’Unité, l’eût-il voulu, il ne le pouvait, tant était constante la poussée d’opinion qui, de toutes parts, le pressait d’en finir avec une situation instable et ruineuse. D’ailleurs, il ne le voulait pas. Dès lors, il était résolu à faire la guerre contre la France.


XIII

Comment amener cette guerre ? Ce comment était de première

  1. Voir Lettre d’Augsbourg. Des libertés.