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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/883

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élan patriotique irrésistible, mais il ne vint à l’idée de personne de rien retrancher de son programme, et c’est ainsi que pour arriver au bout de sa tache aucun professeur ne peut consacrer aux élémens de son enseignement le temps absolument indispensable ; nous sommes obligés d’élever sur le sable un monument qui n’a point d’assises. C’est ce qui faisait dire à la marquise de Ganay, avec autant de justesse que d’esprit, que ce qui manquait le plus à l’enseignement secondaire, c’était l’enseignement primaire !

Faute de pouvoir modifier la mentalité des membres de l’Université, imbus de leurs préjugés comme l’a si bien montré le docteur Lebon, l’initiative individuelle, soutenue par les Chambres de commerce, et par notre ministère du Commerce, s’est tournée vers l’enseignement professionnel. Nous avons montré dans la Revue du 1er septembre dernier les résultats remarquables auxquels on est déjà arrivé ; il ne nous reste plus qu’à les poursuivre et notamment à espérer que notre ministre du Commerce actuel, dont nous sommes heureux de constater la compétence et l’activité, saura faire aboutir prochainement le projet de loi organique sur l’enseignement industriel et commercial préparé par le Conseil supérieur de l’enseignement technique.

Sans parler des déclassés dont elle inonde la société, ni de l’encombrement qu’elle produit dans le fonctionnarisme, malgré les efforts électoraux de nos hommes politiques pour en élargir incessamment les cadres, l’éducation que nous recevons a un résultat que l’on n’exagère pas en le qualifiant de désastreux. Nos parens, pénétrés d’un amour paternel très louable, mais, disons le mot, fort exagéré, tiennent non seulement à conduire leur progéniture jusqu’à l’âge viril ; ils veulent en outre lui assurer des rentes ainsi qu’aux enfans de leurs enfans. Pour cela il faut en limiter le nombre, et nous en sommes arrivés à cette statistique absolument navrante, qu’il y a trente ans nous étions 36 millions de Français contre 40 millions d’Allemands, 32 millions d’Anglais, 36 millions d’Autrichiens et de Hongrois, 27 millions d’Italiens et environ 40 millions d’Américains et qu’aujourd’hui la France ne peut opposer que 39 millions d’habitans aux 60 millions de l’Allemagne, aux 42 millions de l’Angleterre, aux 45 millions de l’Autriche-Hongrie, aux 33 millions de l’Italie, enfin aux 76 millions des Etats-Unis.