par milliers des sujets français, nous, aurions acquis du coup à Bangkok une puissance irrésistible et nos affaires y auraient pris aussitôt une tout autre allure.
Nous avons peut-être laissé échapper une autre opportunité en 1893, après l’affaire de Paknam, où venaient aboutir nos contestations laotiennes avec le Siam. Aurions-nous pu, avec un peu plus de décision et de fermeté, régler alors au profit de nos protégés cette obsédante question de Battambang ? Nous ne l’avons pas essayé. Je n’ignore pas que la situation n’était pas très aisée, et que le ministre des Affaires étrangères, M. Develle, avait à tenir compte de sérieuses oppositions, qui revêtirent même une forme presque hostile, hors de proportion avec son objet ; mais cette opposition ne portait pas sur la province de Battambang. Une diplomatie bien documentée aurait pu démontrer à la Grande-Bretagne qu’il était autant de son intérêt que du nôtre, et même avantageux pour la sécurité du Siam, d’extraire de nos rapports communs cette épine envenimée qui ne pouvait qu’entretenir des irritations d’une répercussion dangereuse. On sait que le traité franco-siamois du 3 octobre 1893 (traité Le Myre de Vilers) et l’arrangement anglo-français du 15 janvier 1890 ne comblèrent pas sur ce point nos desiderata. Cependant, les réserves stipulées aux articles 2 et 3 de ce traité n’étaient pas sans valeur et permettaient quelques présages d’un meilleur avenir.
Je ne peux discuter les deux traités de 1902 et de 1904 qui laissaient aux esprits attentifs l’impression de ne rien régler, de tout maintenir en suspens, et dont le seul avantage consistait, en entretenant nos suspicions réciproques, à garder la porte ouverte aux revendications futures. Ils ne pouvaient être considérés que comme une halte d’étape sur In marche pénible des relations de la France et du Siam.
Au point de vue de notre politique extérieure, le rattachement au Cambodge des provinces de Battambang, Sisophone et Angkor transforme le Grand Lac en un bassin complètement français. L’accroissement de territoire et de population, bien qu’il ne soit pas à dédaigner, n’est qu’un aspect secondaire de la question : l’intérêt véritable, nous l’avons dit, est tout autre.
La frontière de 1867, qui traversait le Grand Lac, laissant au Siam le fond occidental et le rivage de cet immense réservoir, avec la plus grande rivière et la plus ramifiée de son bassin propre, offrait aux intrigues des autres puissances une base