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excessivement dangereuse pour notre avenir. Que le Siam vînt à passer, dans une forme aussi atténuée qu’on voudra l’imaginer, sous la protection ou l’hégémonie d’un État étranger, nous étions exposés à voir des fortifications s’élever sur les bords du Lac. Même avec les réserves inscrites dans les dernières conventions, nous n’étions pas suffisamment garantis contre celle éventualité. En conséquence, la puissance protectrice pouvait faire flotter sur ces eaux sa flamme de guerre ; elle pouvait ensuite réclamer la libre pratique des issues du Lac à la mer, c’est-à-dire la navigation au travers de notre delta de Cochinchine, et l’on sait assez à quels résultats peuvent aboutir les controverses sur le régime des fleuves internationaux. C’était la ruine de notre prestige et, à bref délai, la fin d’une domination qui nous a coûté tant et de si grands sacrifices.

Mais on doit encore envisager une autre hypothèse. Le danger d’une intervention étrangère écarté, les réserves des traités de 1893 à 1904 n’étaient efficaces que si nous avions en contact avec nous un Siam assez faible pour être incapable de tourner les clauses de précaution qui lui avaient été imposées, ou pour faire valoir à nouveau des droits que nous lui avions reconnus par les conventions antérieures. Pour qu’il fût permis à notre prudence politique de favoriser les progrès administratifs et financiers du Siam et le développement de ses belles ressources naturelles, il fallait combler le fossé qui nous séparait. En attendant, la situation vicieuse qui nous était faite nous condamnait à la méfiance réciproque. Nous nous trouvions, de part et d’autre, rivés à une politique sans franchise et sans réelle dignité. Assurés maintenant du côté le plus vulnérable de notre empire par la renonciation solennelle qui vient de s’accomplir, rien ne nous empêche plus de marcher d’accord avec le Siam, de pratiquer avec lui cette politique de franchise, de netteté et de générosité qui convient à nos traditions et à notre caractère, et de favoriser ses progrès. Nous pouvons lui prêter l’appui de nos moyens d’action supérieurs.

La valeur économique de la région de Battambang est fort loin d’être négligeable. Avec un territoire d’environ 25 000 kilomètres carrés, elle compte près de 250 000 habitans. C’est l’une des plus riches du Cambodge, une des plus favorisées sous le rapport de la production du riz, dont l’écoulement se trouve assuré par le Lac et son émissaire jusqu’aux entrepôts de Cholen