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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/112

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Sa carrière tient en quelques dates essentielles. Il naquit dans la Maremme toscane, à Val di Castello, où son père était médecin, le 27 juillet 1835. Il étudia la littérature et la philologie à Florence, puis à Pise. Il débuta par des Études de philologie et de critique qui furent remarquées. Obligé de gagner son pain, il entra dans l’enseignement. Il professait au lycée de Pistoie lorsqu’en 1860, Terenzio Mamiani l’appela à Bologne. Sa première leçon à l’université de cette ville remonte au 27 novembre 1860. Il ne devait jamais la quitter.

Peu avant de s’établir à Bologne, il s’était marié. Elvira Menicucci lui donna trois filles et un fils. Giosuè Carducci a connu les tristesses et les joies du père de famille. Les sentimens domestiques ne tiennent d’ailleurs pas beaucoup plus de place dans son œuvre que les sentimens purement personnels. La note familiale et familière, la note intime manque à la lyre du poète italien. Il n’a écrit ni ses Feuilles d’automne, ni l’Art d’être grand-père. On le compare volontiers en Italie à Victor Hugo, mais si ces deux poètes sont comparables pour la puissance des conceptions, la sonorité du verbe, l’impétuosité du souffle, il faut reconnaître à l’auteur français une plus grande variété et une plus grande souplesse d’inspiration. Victor Hugo a laissé des vers lyriques et épiques, des livres d’histoire et de critique, des romans et des drames. Carducci s’est borné à la poésie lyrique, à l’histoire et à la critique littéraires ; mais dans ces domaines, il n’a rien laissé qui ne soit achevé.

Il arrivait à Bologne, précédé d’une solide réputation d’érudit et de poète. Son premier recueil, Juvenilia, formé de pièces de vers écrites entre 1850 et 1860, reflète les tendances du Club des amis pédans, cénacle littéraire dont Giosuè Carducci était l’âme et qui se proposait de réagir contre le romantisme en remettant en honneur les classiques anciens et modernes. Boileau eût dit que railleur des Juvenilia parlait grec et latin dans des vers italiens. L’imitation des anciens paraît, dans ce volume, trop directe, trop soutenue. Trop manifeste aussi l’influence de Foscolo et de Leopardi dont se réclamaient les poètes du groupe. Tant d’emphase fatigue. Il y a de la froideur dans cette poésie lointaine, aux enthousiasmes si rétrospectifs. Assurément, ces symboles païens représentent pour les Italiens quelque chose de plus que pour nous. Les mythes italiques, les divinités romaines font partie intégrante de la tradition littéraire