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d’outre-monts. Le culte rendu aux dieux de l’Olympe par un poète contemporain n’en est pas moins, quel que soit son pays, un culte d’ « ami pédant. » On ne rencontre guère, dans ce premier volume de Carducci, ces cris du cœur, qui devaient faire par la suite la beauté et la noblesse de ses vers. Sa physionomie se dégage mieux des Levia gravia (1861-1871). Tout en restant profondément classique, la forme y apparaît plus personnelle. Le poète a converti « en sang et nourriture » les écrits des anciens. C’est sur des pensers nouveaux, sur des pensers modernes, qu’il va faire désormais des vers antiques. L’empreinte nationale, l’empreinte politique de la poésie de Carducci est nettement accusée déjà dans Levia gravia. Et c’est elle qui constitue l’unité du recueil suivant : Iambes et épodes (Giambi ed epodi, 1867-1879).

L’invective politique en fait tous les frais. Giosuè Carducci avait une âme de colère et de défi. Sa vie durant, il fut, comme disent les Anglais, « un bon haïsseur. » Dans les Iambes et épodes, il s’en donne à cœur joie de maudire et de détester. On a comparé la frénésie qui l’agite dans ces poèmes à celle qui anime les Iambes d’Auguste Barbier, les Châtimens de Victor Hugo et certains pamphlets en vers dirigés par Henri Heine contre la Prusse « soldatesque et chrétienne. » À ces immortels modèles, les Iambes et épodes ne sont pas inférieurs. Tant de haine était-elle d’ailleurs justifiée ? À cette question, les Italiens répondent naturellement, selon le parti auquel ils se rattachent, par l’affirmative ou la négative. Un fait demeure acquis : Giosuè Carducci exprimait dans ces paroles enflammées les colères, les rancunes, les espoirs d’une fraction considérable de la nation. Non moins que sa fureur civile, on a incriminé sa versatilité politique. Elle est du reste évidente. Carducci lui-même ne s’est jamais défendu d’avoir varié dans ses opinions, dans ses sincérités violentes et successives. Mais le reproche qu’on serait tenté de lui adresser de ce chef s’atténue singulièrement à observer de plus près son évolution, à peser les motifs qui la déterminèrent. Tout critique impartial aboutira fatalement, croyons-nous, à cette conviction, que c’est pour rester fidèle à un idéal national toujours identique que Giosuè Carducci varia dans ses opinions politiques jusqu’à sa conversion à la monarchie.

Un instinct aveugle l’inclinait dès l’enfance vers la forme républicaine. Un de ses jeux favoris consistait, de son propre