avant tout, d’user laborieusement de celles que l’on possède ; que les campagnes d’ « affranchissement » ne doivent jamais absorber la vie des hommes, des partis ou des Eglises ; qu’il y a dans ces parades quelque chose de négatif ; que la liberté ne vaut que pour l’emploi qu’on en fait ; qu’elle est un moyen beaucoup plus qu’un idéal ; et qu’aux fatigues enfin qui la conquièrent doivent succéder d’autres fatigues, moins éclatantes, mais plus méritoires, au prix desquelles on l’utilise. Exaltée par les sourires émancipateurs de l’année 1848, l’Eglise d’Allemagne aurait pu laisser confisquer son activité par une politique de réclamations incessantes et de marchandages tenaces. Assurément elle sut, lorsqu’il le fallait, disputer le terrain, vaillamment, à l’indiscrétion des bureaucraties et à l’importunité des majorités parlementaires, et nous verrons bientôt comment se développa, dès le lendemain de 1848 et jusqu’en 1870, l’action politique des catholiques et comment, à l’aube du Culturkampf, leur apprentissage civique était achevé. Mais l’Eglise d’Allemagne aurait cru manquer à son devoir si elle n’avait eu d’autre souci, durant ces vingt années, que de faire valoir, vis-à-vis de l’Etat, ses droits théoriques de « société parfaite, » et si elle avait mis toute sa gloire à les faire reconnaître, morceau par morceau. Elle aspirait à mieux et à plus qu’à être quelque chose dans l’Etat, ou qu’à faire figure de personne vis à-vis de l’Etat ; il semblait même qu’aux victoires qui grandissent, mais qui parfois isolent, l’Eglise d’Allemagne préférât l’action modeste et pénétrante, qui descend dans la vie populaire pour y faire le bien, et qu’au prestige ombrageux et boudeur des lendemains de triomphe elle préférât, lorsque c’était possible, la cordialité des contacts quotidiens avec toutes les forces vives du peuple allemand. Fidèle à la maxime de ces papes du moyen âge, qui ne voulaient être libres que pour se montrer en toute générosité les serviteurs des serviteurs de Dieu, l’Eglise d’Allemagne attachait peu de prix aux satisfactions d’orgueil quelle aurait pu trouver dans la conquête successive des libertés les plus imprévues ; dès qu’elle était suffisamment libre pour se dévouer à sa vraie tâche d’Eglise, c’est-à-dire pour développer la vie religieuse des fidèles et pour imprégner de christianisme les rapports sociaux, c’est à cette tâche qu’avant tout elle se consacrait.
Lorsque aux vingt ans de calme respiration qui, dans la plus grande partie de l’Allemagne, avaient été accordés au